Dans la foulée de la sortie du livre CHUM: une tragédie québécoise, de Robert Lacroix, ancien recteur de l'Université de Montréal, l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard n'a pas l'intention de relancer le débat sur la décision de construire l'hôpital universitaire francophone au centre-ville. Il qualifie néanmoins de «sombre théorie du complot» les propos de l'auteur à son sujet.

Joint hier, le Dr Couillard, qui s'est imposé un devoir de réserve depuis son départ de la politique, a refusé de nous accorder une entrevue, mais nous a dit qu'il avait fait parvenir une lettre ouverte à La Presse. Il y explique qu'il n'a «pas d'acrimonie, de rancune ou de fiel ni d'intention de nourrir cette triste bataille d'arrière-garde».

Mais, ajoute-t-il, «peut-on sérieusement penser, sans démontrer ainsi la faiblesse des arguments, qu'un seul homme ait été en mesure d'avoir l'influence que M. Lacroix m'attribue? Recourir à une sombre théorie du complot, désigner un bouc émissaire dispense de revoir ces choses ennuyeuses que sont l'organisation des soins, l'accès, les coûts et le développement urbain», écrit-il.

Dans leur livre, qui sort aujourd'hui, Robert Lacroix et Louis Maheu, ancien membre de la direction du CHUM, reviennent sur la bataille politique qui a mené au choix du 1000, rue Saint-Denis, au centre-ville, et ne manquent pas de décocher plusieurs flèches à l'égard de Philippe Couillard. Selon eux, il est clair que, faute de bâtir au 6000, rue Saint-Denis, dans Rosemont, le site de la gare Outremont était un meilleur choix, tant financièrement que dans des perspectives d'expansion.

«CHUM: un désastre»

À peine arrivé en librairie, le livre a aussi fait réagir le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, qui s'était prononcé en faveur du terrain d'Outremont à l'époque. Il ne veut pas commencer une nouvelle campagne sur le choix de l'emplacement, même si c'est tentant, dit-il, mais il estime que ce que les auteurs ont écrit est «la stricte vérité».

«Les gens du milieu de la santé sont encore incrédules, ils regardent ça et se demandent quelle sera la prochaine tuile qui va leur tomber sur la tête. La décision de bâtir au centre-ville n'était pas basée sur la raison. Les raisons sont inavouables, il n'y a pas de raison logique, professionnelle, autre que la politique interne pour expliquer le changement de site», ajoute le Dr Barrette.

De son côté, l'opposition officielle à Québec parle non pas d'une «tragédie québécoise», mais d'un «désastre». «Si le gouvernement n'avait pas rejeté le projet au 6000, rue Saint-Denis, qui avait rallié le milieu, on aurait un hôpital universitaire aujourd'hui. Les coûts sont devenus astronomiques et on n'arrive pas à en voir la fin», déplore Agnès Maltais, nouvelle critique du PQ en matière de santé. «Il ne faut pas être menotté par le passé, dit-elle. Si c'est moins coûteux, sur 30 ans, de revenir en arrière, il va falloir que le gouvernement démontre de l'ouverture au lieu de faire de l'entêtement idéologique.»

David Levine, dont il est également question dans livre, a refusé de le commenter, hier. Les auteurs relatent qu'il a empêché la construction du CHUM au 6000, rue Saint-Denis avant que les élections de 2003 soient déclenchées. Christian Paire, directeur général actuel du CHUM, a lui aussi refusé de commenter le livre et l'avancement des travaux au centre-ville.

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Pessimisme

Selon un sondage de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) réalisé en 2008, 63% des membres inscrits croyaient que le CHUM ne serait pas inauguré avant 2017, et 37% pensaient même qu'il le serait après 2018.