Les partisans du «CHUM-Outremont» ont fait une grosse erreur de relations publiques: ils auraient dû parler du CHUM-Parc-Extension! Cela leur aurait évité de se faire traiter d'élitistes, tant il est vrai que le mythe d'Outremont-ma-chère a la vie dure.

Parc Extension, voilà qui fait plus gauche et moins sale bourgeois: comment critiquer le choix d'un quartier plutôt pauvre et multiculturel? Cela, du reste, n'aurait guère été éloigné de la vérité.

Primo, Outremont n'est plus Outremont: l'ancienne cité de la bourgeoisie francophone fait maintenant partie intégrante de Montréal. Secundo, un CHUM établi dans l'ancienne gare de triage du CP aurait en fait pignon sur rue dans le Mile End et dans Parc-Extension, puisque son entrée principale serait avenue du Parc, au coeur de l'ancien quartier grec où vit maintenant une population bigarrée faite de récents immigrants, de familles ouvrières et de jeunes professionnels qui n'ont pas les moyens de se loger dans le Plateau.

Je blague, évidemment, mais c'est vrai que tous les mots comptent, dans ce champ de bataille verbal qu'est devenu le débat sur le site du CHUM, débat où quelques démagogues voudraient voir un conflit droite-gauche, ce qui est bien la preuve que le ridicule ne tue pas.

Avec l'apparition du nouveau projet de l'Université de Montréal, la boîte de Pandore s'est rouverte. Du coup, tout le monde se rue aux barricades avec chacun sa solution.

Les uns, avec en tête Le Devoir et le PQ, ramènent le projet abandonné du 6000 St-Denis. D'autres, comme l'urbaniste Jean-Claude Marsan, ramènent celui de l'Hôtel-Dieu.

D'autres encore profitent du grand remue-méninges pour reposer la question que l'on aurait dû examiner au départ: Montréal a-t-elle la masse critique pour abriter deux «mégahôpitaux»? Pourquoi ne pas fusionner le CHUM et le Centre de santé de McGill? D'autres, enfin, remettent en question le financement à parts égales de ce dernier.

Le plus ironique, c'est que toutes ces solutions sont meilleures que celle qu'avait imposée l'hiver dernier le gouvernement Charest, abrité derrière la commission Mulroney-Johnson.

Le site Saint-Denis est quatre fois plus grand que le site Saint-Luc et plus central (si l'on pense à la grande région de Montréal).

Le site de l'Hôtel-Dieu offre les mêmes avantages, en plus d'un incomparable cachet historique et d'un sol non contaminé et exempt de voies ferrées.

La fusion entre les hôpitaux universitaires francophone et anglophone? Ses partisans ont parfaitement raison en théorie. Les réseaux d'enseignement, qui reposent sur la parole, doivent bien évidemment être séparés selon la langue. Mais les hôpitaux- à plus forte raison ceux qui se spécialisent dans les soins tertiaires et la recherche? Quelle différence y a-t-il entre une aorte française et une aorte anglaise? La plupart des professionnels de la santé montréalais sont bilingues. Comme leurs collègues anglophones, tous les grands médecins francophones ont fait leurs études post-doctorales aux États-Unis.

J'ai été hospitalisée à six ans au Montreal Children's Hospital. Je ne comprenais pas un mot d'anglais, et à cette époque personne au Children ne parlait français (sauf ces princes de la pédiatrie qu'étaient les Drs Goldbloom père et fils) et j'ai été très bien soignée.

Sauf qu'entre la théorie et la réalité, il y a un gouffre. L'histoire, les traditions, les intérêts, la concurrence entre les deux facultés, tout cela fait que cette fusion est politiquement impossible. Il reste que le seul argument rationnel contre la fusion est qu'advenant une grave épidémie, il serait préférable d'avoir deux hôpitaux distincts.

Il ne reste finalement que deux sites sur la table: d'une part, le site déficient de Saint-Luc, qui n'a jamais été le premier choix d'aucun intervenant... mais auquel, depuis un an, les fonctionnaires du MSS et la direction du CHUM se sont identifiés; ceux-là craignent maintenant de perdre l'initiative du projet au profit de l'Université.

Et, d'autre part, le site d'Outremont, qui offre les mêmes avantages que les sites Saint-Denis et Hôtel-Dieu: un emplacement central (à 750 mètres à l'ouest du site Saint-Denis et légèrement plus au nord que l'Hôtel-Dieu) et des possibilités d'expansion. Mais en mieux, car le site Outremont est beaucoup plus vaste, et le projet plus intéressant parce qu'il repose sur la parfaite synergie des soins, de la recherche et de l'enseignement, étant donné que le complexe abriterait en plus les facultés de la santé de l'Université de Montréal.

Le lecteur se demandera pourquoi le site Outremont a surgi tellement tard. C'est tout simplement parce que jusqu'au printemps dernier, personne ne croyait que la totalité du site du CP serait disponible. Ou alors, que personne n'avait pensé à se renseigner... Une erreur que regrette aujourd'hui l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, qui a parrainé le site Saint-Denis mais qui opte maintenant pour le site Outremont.