Si vous ne deviez acheter qu'un seul livre sur l'histoire du Canadien de Montréal, alors, c'est le livre d'André Duchesne qu'il faut choisir. Point final.

Le Canadien, un siècle de hockey à La Presse est un livre fascinant. Format livre de table de grand luxe, plus de 250 pages grand format et papier glacé, photos couleurs absolument magnifiques et souvent poignantes, statistiques, documents historiques remontant à la fondation de l'équipe en 1909 puisés dans les archives généreuses du quotidien, c'est un livre que vous allez parcourir, puis lire, puis relire et finalement, presque étudier tellement c'est passionnant.

 

Je sais que ce sont les Éditions La Presse qui publient le livre. Je sais que c'est un confrère, André Duchesne, qui s'est tapé un travail colossal pour parcourir 100 ans d'archives, pour choisir et tout récrire une histoire cohérente du Canadien. Je sais que j'ai signé la préface de l'oeuvre de Duchesne, mais croyez-moi, ça n'a rien à voir. Le résultat est extraordinaire. Dans le vrai sens du mot, qui sort de l'ordinaire.

J'ai commencé la lecture du livre mardi soir. Puis, mercredi, dans l'avion, j'ai replongé dans le bouquin, incapable d'en sortir avant qu'on nous demande de relever la tablette pour l'atterrissage. Puis, en soirée, j'ai laissé faire la télé pour relire les pages sur les années 70-80 et le lendemain, ce sont les chapitres racontant l'épopée de José Théodore que j'ai repris.

Travail colossal que je disais? C'est encore bien plus. Duchesne a donné une cohérence à des histoires qui se sont déroulées sur plusieurs mois. Et les liens qu'il fait tout simplement en respectant la chronologie des évènements sont révélateurs. On remarque que les grosses histoires forcément incomplètes sorties par les journalistes du journal sont souvent suivies de transactions dans les mois qui suivent. Le Canadien ne réagit pas toujours sur le champ mais il a l'habitude de régler ses problèmes d'une façon discrète.

J'ai aussi été fasciné de suivre la démarche journalistique au cours de ce siècle. On est passé des articles anonymes des années 1910 et 1920, très de base et extrêmement louangeurs quand l'équipe gagnait, aux textes très personnalisés des années 70 en passant par l'affranchissement des journalistes dans les années 60 quand les journaux ont décidé de payer tous les frais de voyage de leurs envoyés spéciaux avec l'équipe.

Et André Duchesne qui s'est tapé un travail d'historien avant d'écrire l'histoire avec beaucoup de sensibilité, de respect et de talent, a très bien saisi cette évolution. Parfois, il s'est permis de le souligner. Comme il a compris que le travail des journalistes contemporains est infiniment compliqué par les règles imposées par l'Organisation pour protéger son produit. Et ses vedettes.

C'est également un plaisir de relire des extraits d'articles de Bernard Brisset, d'Yvon Pedneault, de Ronald King, de Pierre Proulx. Sa description de la vie familiale de Jean Béliveau «et de sa charmante épouse Élyse» est un paragraphe d'anthologie. Et je le dis sans ironie. Il ne manque que le titre du Marabout que devait lire le grand Jean le soir au lit.

Sans doute que des éditeurs seront tentés de capitaliser sur le centenaire du Canadien pour faire quelques dollars. C'est légitime. Mais André Duchesne et les Éditions La Presse ont mis la barre tellement haute que ceux qui vont suivre sont aussi bien de retourner à leur planche de travail. La comparaison pourrait être cruelle.

C'est à ce point bien fait.

QUELQUES EXTRAITS DE L'OUVRAGE

Deux grands disparus

L'article annonçant la mort de Joe Hall est court. Il fait une colonne, est accompagné d'une photo, et est joué en haut de la page des Sports. Dans la même page, un article de proportion identique, aussi accompagné d'une photo, annonce la mort de Kersal King à Chicago.

Or, Kersal King est un... bouledogue.

Meilleur chien de sa race, il avait coûté 2500$ à son maître. La bête de deux ans et demi est morte, rapporte-t-on avec le plus grand sérieux, d'une syncope à la gare Grand Central, après avoir remporté un prix dans une exposition canine au cours de la fin de semaine.

Joe Hall et Kersal King, même traitement? Presque! La grosseur du caractère du titre annonçant la mort du chien est légèrement plus petite...

Campbell nie une rumeur

En marge de la finale de 1955, le président de la LNH doit nier une rumeur envoyant la concession du Canadien aux États-Unis. La Presse évoque l'affaire le 11 avril.

«Le président Clarence Campbell de la Ligue nationale a qualifié de ridicule la nouvelle à l'effet que certains clubs américains auraient exprimé le désir que la franchise du Canadien soit transférée dans une autre ville à la suite de la partie inachevée du 17 mars au Forum.

«Il n'a jamais été question de transférer la franchise du Canadien pas plus que le quartier général de la ligue. Pareille idée est inconcevable. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle suggestion.»

»Devine qui vient dîner...»

Le 12 septembre 1960, Lucille et Maurice Richard célèbrent leur 18e anniversaire de mariage dans un restaurant chic de Montréal avec trois couples d'amis. Or, soudain, qui apparaît? Le journaliste de La Presse Gérard Champagne! «C'était supposé être un dîner intime bien calme, lance Richard. Pose ta question», lance-t-il à Champagne qui se demande s'il va prendre sa retraite. Le Rocket lui répond que sa décision n'est pas prise. Il avertit aussi le journaliste qu'il ne sera pas à l'entraînement du Canadien, le lendemain, ayant un engagement à Toronto. Ce qui ne signifie pas qu'il a abandonné sa carrière. Un photographe est présent et le journal publie une photo de Richard et Champagne échangeant un sourire alors que Lucille Richard semble interloquée par la présence du scribe.

Les enfants de Scotty

À la suite de la seconde victoire du Canadien en finale, les journalistes badinent un peu avec l'entraîneur Scotty Bowman, au sujet du prénom de ses enfants. Réjean Tremblay fait part de la scène avec humour. Bowman, dit-il, raconte aux scribes avoir eu de la difficulté à s'endormir après le premier match. Il a réussi à le faire en allant recoucher son fils Stanley, 3 ans, éveillé au milieu de la nuit.

«Le fils de Bowman s'appelle Stanley et vous devez deviner pourquoi, écrit Tremblay. Il est né le 28 juin 1973... la dernière année où le Canadien a remporté la Coupe Stanley.

«On s'était dit ma femme et moi, si nous remportons la coupe, on appellera le bébé Stanley.

Outre Stanley, les Bowman ont quatre autres enfants: Alicia, David, Bob et Nancy.

1919 La finale de la Coupe Stanley annulée à cause de la grippe espagnole

1955 La finale Detroit-Montréal en l'absence de Maurice Richard

1960 Le Rocket prend sa retraite

1976 Durant une autre finale de la Coupe Stanley