«Votre reportage était sans aucun doute exhaustif, mais il traduit une réalité qui est en train de changer», a souligné le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, au lendemain de la publication de notre dossier intitulé «L'autre Laval», qui montrait le côté sombre de l'île Jésus. Prostitution, drogue, vagabondage, pauvreté, le portrait est à des années-lumière de l'image idéale d'une banlieue paisible aux bungalows proprets.

Notre série n'a toutefois pas jeté M. Vaillancourt en bas de son fauteuil, lui qui a vécu toute sa vie à Laval et qui en est maire depuis 1989: «Ça venait confirmer des analyses qu'on a faites. Laval, c'est devenu un milieu urbain, et le tissu urbain doit être rénové.»

Ainsi, explique-t-il, on tente d'améliorer les conditions de vie des 350 familles qui s'entassent à Place Saint-Martin, un parc d'immeubles à loyer modique de mauvaise réputation décrit dans notre reportage.

La sécurité y a été renforcée, et on propose des activités sportives ou des camps de jour aux nombreux enfants qui vivent dans cette enclave aux prises avec toutes sortes de problèmes sociaux. «L'année 2010 a marqué un virage très important pour la qualité de vie des résidants. Votre reportage était vrai, mais il y a 10 mois», a résumé le maire. Son administration s'emploie également à revitaliser le quadrilatère formé par les 75e et 81e Avenues et les boulevards Lévesque et Perron, présenté dans notre reportage comme le coin le plus chaud de Laval.

«On ne trouve pas des prostituées dans chaque rue, à Laval. Les problèmes sont ciblés dans quelques rues d'un quadrilatère. Même chose à Pont-Viau. Laval est une ville très sûre.»

Il se défend bien d'avoir manqué d'attention face à l'émergence de problèmes sociaux propres aux grandes villes. Plusieurs intervenants et représentants d'organismes interrogés pour ce reportage ont d'ailleurs dit avoir une meilleure écoute du maire depuis quelques années.

Selon M. Vaillancourt, Laval n'est pas en train de se «montréaliser» et ne le fera jamais. «Si j'ai réussi quelque chose de significatif en 21 ans, c'est de donner une identité économique à Laval. Avec un centre-ville dense, des entreprises, un centre de recherche et le campus de l'Université de Montréal, cette ville a fière allure!», s'est enorgueilli Gilles Vaillancourt.

Le service de police réagit

Même si Laval sert de terrain de jeu aux gangs de rue, aux prostituées et aux proxénètes, les policiers ont la situation bien en main et la population peut dormir tranquille, a résumé un cadre de la police.

Inspecteur à la division de la lutte contre le banditisme et Lavallois d'origine, Serge Gaignard est sans doute le policier le mieux branché sur ce qui se passe sur le terrain.

L'implantation il y a quelques années d'une brigade antigang et d'une escouade régionale mixte a apporté une réponse, selon lui, à l'augmentation des incidents violents liés aux gangs de rue.

Depuis, la situation s'est stabilisée et les affrontements entre gangs font rarement de dommages collatéraux chez les honnêtes citoyens. «On s'inquiète surtout des crimes faits au nom du gang (les crimes d'honneur, ou associés à la lutte pour le territoire, NDLR). Ils sont plus violents, se déroulent sur la place publique et sont médiatisés», explique l'inspecteur.

Comme au Service de police de la Ville de Montréal, la lutte contre les gangs de rue figure en tête de liste des priorités de la police lavalloise.

Pourtant, comme à Montréal, les gangs de rue sont responsables d'environ 1% des crimes recensés chaque année sur le territoire lavallois.

«Il y a eu 108 incidents liés aux gangs de rue l'an dernier, sur l'ensemble de la criminalité lavalloise. On ne veut pas que le phénomène prenne de l'ampleur», souligne l'inspecteur Gaignard.

Il y a actuellement, selon lui, quatre gangs à Laval actifs surtout dans la vente de stupéfiants, la fraude et le proxénétisme. Les couleurs n'auraient plus d'importance et les affiliations, souvent établies en prison, sont motivées par l'appât du gain. Selon l'inspecteur, ces gangs sont plutôt désorganisés et incapables de s'assurer un pouvoir permanent dans un secteur, un bar ou un commerce. Ils ont plutôt l'habitude de s'approprier une ou deux crackhouses et de vivre des revenus générés par la vente de stupéfiants. Les prostituées seraient d'ailleurs les principales clientes de ce marché. «Les crackhouses sont faciles à détecter, mais leurs responsables sont sur leurs gardes. Lorsqu'on fait une descente, il arrive qu'on ne trouve presque rien. Ils ont des yeux partout, à commencer par ceux des prostituées, qui ne veulent pas perdre leur accès au crack», explique l'inspecteur.

Malgré plusieurs frappes policières contre des crackhouses, les activités finissent toujours par reprendre dans un immeuble voisin ou carrément dans le même. «Une piquerie de Chomedey a déjà été rouverte quatre heures après notre descente. Je n'avais même pas fini de rencontrer les prévenus au poste de police», illustre le policier.