L'agresseur sexuel est l'un des criminels les plus stigmatisés et pour lesquels il y a le moins de compassion, surtout s'il est doublé d'un tueur ou s'il est pédophile. Alors, lorsque l'un d'eux se fait tabasser par un voisin ou encore derrière les barreaux, il s'en trouve bien peu pour pleurer sur son sort.

Pour ceux qui trouvent les médiations pénales trop complaisantes et les sanctions judiciaires trop douces, rien de mieux que de prendre l'affaire en main. La publication des noms et lieux de résidence des pédophiles est, par exemple, une réalité en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Dans ces pays, on ne compte plus les cas où les agresseurs ont été harcelés et forcés de déménager par leurs voisins mis au fait de leur passé trouble.

 

En prison, les règlements de comptes sont un secret de Polichinelle. Celui qui n'a pas payé ses dettes ou qui a trahi un compère risque de se le faire rappeler par une bonne raclée... ou même pire. Les «contrats» peuvent venir de gens de l'extérieur de la prison ou d'un détenu qui veut se «faire un nom». «Mais c'est extrêmement rare», dit l'ancien prisonnier Michel Dunn, qui a passé 17 ans derrière les barreaux pour le meurtre de son associé.

«Pour un pseudo-caïd qui veut se faire un nom, le pédophile, c'est la victime idéale, dit Michel Dunn. Celui qui veut détourner l'attention de son cas ou qui a des choses à cacher ne va pas s'attaquer à plus fort que lui et risquer de manger une volée! Il va choisir une brebis. Et les agresseurs sexuels n'ont pas d'amis en prison, il n'y aura pas de représailles et tout le monde va être content.»

Les nouvelles voyagent vite en prison, dit-il. Chaque jour, des détenus de tous les établissements se rencontrent dans les salles d'attente du palais de justice et s'échangent les nouvelles. Ils voient aussi ceux qui viennent d'être arrêtés et savent s'ils échoueront chez eux.

«Mais je n'ai jamais vu un agresseur d'enfant arriver à Archambault (NDLR: le pénitencier jadis à sécurité maximum de Sainte-Anne-des-Plaines) parce qu'il n'aurait pas survécu! Comme aujourd'hui, je ne verrais pas un violeur ou un pédophile aller à Donnacona, ce serait terrible.» Les détenus reconnus coupables d'agressions sexuelles sont d'ailleurs regroupés dans des établissements spécialisés, comme les pénitenciers de La Macaza ou de la Montée-Saint-François.

Mais les règlements de comptes en prison ne sont pas si courants: Michel Dunn peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre d'incidents du genre dont il a entendu parler. «Je ne suis même pas certain que ça en était vraiment», ajoute-t-il.

Les autorités prennent aussi soin, de nos jours, de séparer les membres des différents gangs et ont mis des caméras de surveillance. Des agents sont également désignés pour recueillir des renseignements auprès des détenus sur les têtes dirigeantes de la prison, les conflits larvés, les trafics de toutes sortes.

Le problème est moins présent dans les établissements à sécurité minimum. «Dans un minimum, le gars qui ne fait même que crier après un agresseur sexuel pourrait être transféré. Le message est clair: laissez-les vivre, ils font leur temps comme vous. Dans un minimum, on considère que le gars est à la veille de refaire sa vie. S'il a encore du temps à perdre à faire le justicier, c'est moins bon.»