L'agresseur a été jugé et a reçu sa peine. Justice a été rendue... Vraiment? Pas nécessairement pour les victimes, pour qui le cauchemar continue. «Mais quand les victimes reprennent leur vie en main, qu'elles n'ont plus peur, qu'elles peuvent recommencer à avoir des activités sans être constamment en train de penser à ce qu'elles ont vécu, elles aussi ont obtenu justice.»

Pour atteindre cette sérénité qui les a quittées, a constaté le médiateur Serge Charbonneau, beaucoup de victimes ont besoin de réponses à leurs questions. Réponses que la procédure judiciaire, surtout si l'accusé a plaidé coupable, n'a pas nécessairement apportées. Pour celles qui veulent connaître les détails du drame, il leur faut parler directement à l'agresseur.

 

«Elles veulent entendre l'agresseur les dire lui-même», dit Sara-Ève Duchesneau, candidate à la maîtrise à l'Université de Montréal, qui s'est penchée sur la médiation pénale. «Les victimes veulent que l'agresseur reconnaisse que ça s'est passé et quelle est leur responsabilité.»

La majorité des victimes qui demandent à rencontrer un détenu ont été touchées par le meurtre d'un membre de leur famille. Serge Charbonneau a également traité de cas d'agression sexuelle ou de violence conjugale. Ce n'est donc pas la gravité du crime qui peut empêcher la médiation. «On dit non à des personnes, pas à des délits», dit le médiateur. Dans la majorité des cas, ce sont les victimes qui entreprennent la démarche.

La démarche volontaire, dont le processus peut prendre plus d'un an, débute par un minimum de trois rencontres préparatoires individuelles avec le médiateur. Ce dernier s'assure des raisons qui poussent chacun à entreprendre la démarche et évalue leur capacité psychologique à y participer.

Environ quatre participant sur cinq rencontrent l'autre partie face à face. D'autres choisiront un échange de lettres ou de vidéos.

«Souvent, les victimes veulent s'assurer que d'autres personnes ne vivront pas ce qu'elles ont vécu», dit Serge Charbonneau. D'autres veulent connaître les détails du crime qui n'ont pas été dévoilés devant la cour. «Tant qu'elles n'ont pas les réponses, c'est comme s'il y avait quelque chose qui ne se règle pas en elles.»

Il arrive que le criminel n'exprime aucun remords. Si c'est le cas, la victime décidera si l'échange se poursuivra. Mais remords ou pas, la médiation laisse rarement les participants indifférents. Certains détenus, dit Serge Charbonneau, changent d'attitude, cessent de nier les faits, entreprennent une thérapie. Pour les victimes, la rencontre est souvent décrite comme une libération. «Il y a des gens qui nous disent carrément que ces rencontres leur ont permis de revivre.»