Il est 15h. Pierre Daigle vient de s'installer en bas des escaliers, avec sa flûte et son harmonica. Barbe blanche, bouille sympathique, regard lumineux. On sent bien que la vie lui est passée dessus, mais les dommages semblent limités.

«Je suis vraiment un musicien dans l'âme. J'aurais aimé être Beethoven. Ou un grand compositeur. Je me reprends dans le métro!»M. Daigle a 64 ans. Il joue dans le réseau depuis «au moins» cinq ans. Pour arrondir ses maigres fins de mois. Son histoire est classique. Pendant 14 ans, il a travaillé comme préposé aux bénéficiaires. L'été, les journées étaient deux fois plus grosses. Un collègue lui a offert une «petite poudre» pour passer à travers. «À partir de là, tout a dégringolé», raconte-t-il sans pudeur. «Il a fallu que je quitte. J'étais rendu plus malade que les malades!»

M. Daigle s'est retrouvé au chômage. Puis sur le b.s. La chute libre. Un jour, il a échoué à la station Champ-de-Mars. Avec sa flûte et sa ruine-babines. Et sa nouvelle carrière a commencé. «J'ai joué pendant 12 heures. Me suis ramassé un gros 15 $... Ça m'a montré que je valais quelque chose.»

Aujourd'hui, Pierre Daigle se produit principalement à Côte-Vertu. La station est froide et les musiciens sont rares. «Je peux me lever tard. Il y a toujours de la place.»

Et que joue-t-il ? Tout ce qui le touche à l'âme et au coeur. Tout ce qu'il peut interpréter avec du «feeling». Vigneault. George Dor. Raymond Lévesque. Du classique... «Les gens me disent merci pour ma musique, dit-il. C'est même pas mes compositions. Mais je choisis ce que je joue. J'aime l'Ave Maria. J'aime l'Hymne à la joie (il chantonne)... Beethoven, c'est extraordinaire... Mozart, c'est un peu tapette sur les bords. Mais Beethoven, c'est fort...»