On sait à présent que le virus A (H1N1) peut se transmettre de l'homme au porc, comme cela vient d'être constaté dans une ferme du Canada. Mais le risque existe-t-il que ce même virus franchisse à nouveau la barrière de l'espèce pour réinfecter l'homme? Les scientifiques s'interrogent aujourd'hui sur cette possibilité et sur ses ravages potentiels.

Les experts craignent en effet une nouvelle mutation de cette souche mexicaine au patrimoine génétique unique, combinant des origines porcine, aviaire et humaine. Reste que nul ne peut prédire son devenir.

«Peut-il gagner en virulence? La réponse est oui», avertit Juan Lubroth, spécialiste de la santé animale à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il ajoute cependant que le A (H1N1) «peut aussi s'adoucir»... Bref, «il peut aller dans les deux directions».

Les autorités canadiennes ont annoncé samedi que le virus avait infecté environ 200 porcs d'une ferme de l'Alberta. Selon l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), les animaux ont été exposés par le biais d'un fermier rentré du Mexique le 12 avril et présentant des symptômes semblables à ceux de la grippe mexicaine.

Si l'homme s'est remis de cette grippe A, les porcs infectés, 10% du cheptel concerné, ont été placés en quarantaine. Après avoir un temps perdu leur appétit et présenté des symptômes fiévreux, ils ont tous retrouvé leur état de santé initial.

De l'avis des responsables de l'ACIA, le fermier pourrait avoir éternué ou toussé à proximité immédiate de ses bêtes, vraisemblablement à l'intérieur même de l'étable.

Les experts sanitaires assurent cependant que la viande de porc, y compris celle provenant de cochons infectés, peut être consommée sans danger pour la santé.

D'après Juan Lubroth, les consignes sanitaires dans ce cas de figure sont très simples: les personnes contaminées doivent éviter tout contact avec les porcs, mais les fermiers en bonne santé n'ont pas de précaution particulière à prendre compte tenu du risque très limité de transmission du virus du cochon à l'homme.

Contrairement au H5N1, qui infecte le sang, les organes et les tissus des volailles, les virus de grippe porcine restent confinés dans l'appareil respiratoire et les risques de contamination de l'homme par l'animal sont «probablement 10 à 1000 fois moindre», selon l'expert de la FAO.

Cela dit, les porcs demeurent un motif d'inquiétude dans la mesure où ils partagent un grand nombre de similarités biologiques avec l'homme, au point de servir de véhicule à la mutation génétique de différentes souches virales. C'est du reste ainsi qu'est apparu le A (H1N1) au Mexique.

Les scientifiques ignorent précisément quand le virus est passé du cochon à l'homme -il y a peut-être plusieurs mois voire un an. La nouvelle souche n'est identifiée que depuis une semaine et demie.

Pour le Dr Tim Uyeki, épidémiologiste aux Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d'Atlanta (Géorgie), qui a notamment travaillé sur les épidémies de SRAS (symptôme respiratoire aigu sévère) et de grippe aviaire, d'autres cas de transmission du porc à l'homme ne sont pas à exclure. La surveillance épidémiologique est effet moins intense dans les élevages porcins que dans les poulaillers.

Les trois pandémies grippales connues -la grippe espagnole de 1918, la grippe asiatique de 1957-58 et la grippe de Hong Kong de 1968-69- ayant eu une origine aviaire, les autorités sanitaires mondiales se sont préparées à faire face à ce type de grippe.

«Le monde tente de prévenir une pandémie provenant du réservoir grippal aviaire», explique le Dr Uyeki. «On s'est concentré sur les oiseaux et c'est un virus d'origine porcine qui est apparu. Maintenant, c'est un virus humain...»