Bien que le Parti québécois ait fait grand cas durant la campagne électorale de son opposition à la production d'amiante dans la province, l'utilisation du produit cancérigène est toujours officiellement encouragée par l'État.

L'environnementaliste Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution (SVP), relève que Québec n'a rien fait à ce jour pour abroger la politique d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile, adoptée en 2002 à l'initiative d'un gouvernement péquiste.

L'objectif de la politique, introduite à une époque où l'industrie québécoise produisait annuellement près de 300 000 tonnes d'amiante chrysotile, était d'encourager l'utilisation du produit dans la province et de faciliter son exportation.

Au lendemain des élections, la première ministre Pauline Marois a confirmé qu'un prêt controversé de 58 millions prévu pour relancer la mine Jeffrey, à Asbestos, serait annulé. Elle avait promis dans la foulée que le produit serait interdit, mais aucune décision à ce sujet n'a été formalisée depuis.

«On peut encore utiliser et installer des produits à base d'amiante. C'est un non-sens», souligne M. Green, qui juge particulièrement ironique le maintien officiel de la politique de 2002.

Une politique depuis longtemps contestée

Fernand Turcotte, professeur émérite de médecine préventive, estime que cette initiative était «absolument indéfendable» et reflète le «négationnisme» qui a longtemps prévalu au Québec quant aux risques posés par l'amiante.

La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, dont relève la politique en question, avait vertement critiqué avant les dernières élections la notion d'usage sécuritaire de l'amiante. Elle avait assuré alors que le produit n'avait pas «d'avenir» au Québec et qu'il n'était pratiquement plus utilisé dans la province en raison des craintes qu'il suscite.

Consulté par La Presse, son attaché de presse, Patrick Ney, s'est borné à dire il y a quelques jours que l'ensemble du dossier de l'amiante «était à revoir». Il n'a pu dire si un calendrier avait été défini pour abroger la politique d'utilisation accrue ou décider d'une éventuelle interdiction.

Certains ministères n'ont pas attendu les clarifications du gouvernement pour mettre le holà à l'utilisation du produit. Le ministère des Transports a notamment cessé en décembre 2011 d'utiliser des enrobés bitumineux contenant de l'amiante pour la réfection de routes.

Une porte-parole du Ministère, Sarah Ben Sadoun, a expliqué que la décision avait été prise en raison d'un problème d'approvisionnement lié à l'effondrement de l'industrie québécoise de l'amiante, mais aussi d'évolutions techniques qui rendaient les enrobés traditionnels plus performants que ceux contenant de l'amiante.

Des poursuites envisagées

La Société pour vaincre la pollution évoque la politique d'utilisation accrue de l'amiante comme une preuve du rôle important joué par Québec dans l'utilisation du produit dans la province.

L'organisation entend l'évoquer pour lancer un recours collectif contre le gouvernement et forcer la création d'un fonds d'indemnisation plus généreux que celui actuellement géré par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Yves Lauzon, avocat montréalais spécialisé dans les recours collectifs, pense que la démarche est potentiellement fondée en droit même si les requérants auront fort à faire, selon lui, pour prouver la faute du gouvernement.

«Sous toutes réserves, il apparaît a priori qu'il y a là des questions importantes qui méritent d'être examinées et qui pourraient donner lieu à un recours collectif», dit-il.