Le conseil local d'une petite ville indienne a annulé cette semaine un permis qu'il avait accordé à une usine d'amiante-ciment. Cette décision révèle la résistance croissante à laquelle se heurte l'industrie de l'amiante en Inde, un des principaux marchés visés par la relance de la mine Jeffrey, à Asbestos. Elle ait aussi ressortir le risque que représente le prêt de 58 millions qu'a consenti le gouvernement Charest pour cette relance.

Le 12 juillet dernier, le magistrat du district de Sambalpur, dans l'État d'Orissa, dans l'est de l'Inde, a entériné la décision du panchayat - conseil villageois - de Parmanpur d'annuler le permis pour cause d'illégalité.

L'usine était en exploitation depuis six mois. C'était la plus récente des huit usines de l'entreprise Visaka, l'une des plus importantes de ce secteur en Inde.

Visaka a par le passé été un acheteur d'amiante québécois, notamment de la mine Bell, à Thetford Mines.

La décision fait suite à l'élection d'un nouveau responsable local, en mars dernier. Padmanav Nath avait combattu le projet d'usine pendant près de trois ans avant son élection. «Nous avons convoqué une réunion d'urgence du panchayat en juin et il a été noté que l'usine était dangereuse pour les résidants et fonctionnait sous de fausses informations», a déclaré Padmanav Nath au magazine indien Down to Earth.

«C'est une victoire énorme contre la poussée agressive des gouvernements et des entreprises en faveur de l'amiante en Inde», affirme Madhumita Dutta, militante à l'Occupational and Environmental Health Network of India, un organisme qui s'oppose à l'utilisation de l'amiante en Inde.

«Il y a eu des actions similaires dans l'État de Bihar où des villageois ont protesté et empêché la construction d'une usine d'amiante, dit Mme Dutta, que La Presse a jointe par courriel. La lutte a été longue et l'action de la police a été brutale, avec coups et emprisonnements, mais les gens ont persévéré et l'usine a été fermée.»

Le porte-parole de Mine Jeffrey, Guy Versailles, n'a pas voulu indiquer si Visaka faisait partie des 25 clients que la mine envisage d'avoir après sa relance, l'an prochain.

«Pour l'instant, Mine Jeffrey n'a pas de client», a affirmé M. Versailles à La Presse.

Mine Jeffrey prévoit faire régulièrement des inspections chez ses clients pour s'assurer qu'ils respectent les règles d'hygiène industrielle afin de protéger les travailleurs et le voisinage. L'entreprise compte inspecter chaque usine au moins fois par année, et son programme comprendra des inspections-surprises.

Madhumita Dutta estime que ce plan est voué à l'échec.

«Mine Jeffrey n'aura aucun pouvoir sur la situation, dit-elle. Ils vont peut-être exporter des produits à 25 clients, mais qu'arrivera-t-il par la suite avec les revendeurs et avec les déchets que génère l'industrie?»

Elle souligne que l'Inde utilise 400 000 tonnes d'amiante par année, mais ne dispose d'aucun portrait global des maladies causées par l'amiante. Il n'y a eu au total que 51 cas d'indemnités versées à des travailleurs pour une maladie liée à l'amiante dans l'histoire du pays, dit-elle. C'est peu pour un pays de 1 milliard d'habitants. Seulement au Québec, la CSST a reconnu 559 morts causées par l'amiante entre 2005 et 2010.

Les usines d'amiante-ciment ont aussi laissé leur marque au Québec. Ne manquez pas demain notre dossier sur l'héritage toxique de l'usine Atlas Asbestos à Hochelaga.