L'industrie de l'amiante conteste une recherche et des recommandations récentes de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), affirmant que l'institution publique manque d' «objectivité».

Guy Versailles, le représentant de l'entreprise Mine Jeffrey, qui veut relancer l'exploitation de l'amiante au Québec et en exporter en Inde, a écrit à tous les députés de l'Assemblée nationale pour contester les conclusions d'une recherche publiée la semaine dernière par l'INSPQ.

Cette recherche conclut que le chrysotile, le type d'amiante exploité au Québec, persiste pendant des décennies dans les poumons.

«Plusieurs observations faites dans ce document ne s'expliquent que par un préjugé tellement ancré à l'encontre du chrysotile que des hypothèses pourtant évidentes échappent à l'analyse des auteurs», affirme M. Versailles.

«Source naturelle»

Il affirme, entre autres, que l'INSPQ aurait dû conclure que la présence de fibres d'amiante chrysotile dans les poumons de certains travailleurs 30 ans après la fin de leur exposition «professionnelle» s'explique par une exposition «de source naturelle».

Il y a en effet des fibres de chrysotile dans l'air, de source naturelle ou qui s'échappent de mines, d'industries ou de matériaux qui se dégradent dans les bâtiments.

L'étude de l'INSPQ porte sur l'analyse de 380 blocs de poumons prélevés chez 123 travailleurs atteints d'une maladie professionnelle reliée à l'amiante. Dans sa conclusion, l'INSPQ souligne «la présence de chrysotile dans les tissus pulmonaires de 85% des travailleurs [et] la persistance de cette fibre dans les poumons de certains des travailleurs 30 ans après l'arrêt de l'exposition».

André Dufresne est directeur du Département de santé environnementale et santé au travail de la faculté de médecine de l'Université de Montréal. Il est coauteur de l'étude de l'INSPQ. Et il affirme que les fibres de chrysotile logées dans les poumons des travailleurs ne sont pas de source «naturelle». «C'est clair qu'un peu tout le monde en a dans les poumons, mais jamais dans les concentrations qu'on a trouvées chez ces patients», a-t-il dit en entrevue à La Presse.

L'INSPQ s'attire aussi les critiques de Jacques Dunnigan, un ancien consultant de l'Institut du chrysotile retraité depuis 1996 de l'Université de Sherbrooke.

M. Dunnigan cite plusieurs études des années 70 et 80 qui tendaient à montrer le chrysotile est moins toxique que les autres types d'amiante, voire inoffensifs.

Cependant, le Centre international de recherche sur le cancer vient de faire le point sur la question et conclut que l'amiante est cancérigène «sous toutes ses formes». Pour une forme plus rare de cancer, le mésothéliome, le chrysotile semble moins toxique que les autres formes d'amiante, mais pas inoffensif.

Registre public des bâtiments

L'industrie conteste aussi la recommandation de l'INSPQ d'établir un registre public des bâtiments contenant de l'amiante. «La construction et l'entretien des édifices modernes requièrent l'utilisation d'un grand nombre de produits et substances dangereuses, et il existe déjà des lois et règlements pour gérer ces situations», affirme Mine Jeffrey.

Mais ce registre est nécessaire, insiste le Dr Marc Dionne, directeur scientifique de l'INSPQ. «Il y a des travailleurs qui ont été exposés à des taux d'amiante supérieurs aux normes parce qu'on a entrepris des travaux sans savoir qu'il y en avait, dit-il. Je l'ai vu au fil des années. D'où l'intérêt d'un registre et aussi d'un programme d'entretien.»