Beaucoup de désamiantage a été fait dans les écoles, cégeps et université du Québec depuis 2005. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui commencent à fréquenter ces établissements, mais cela ne change rien pour ceux qui ont pu être exposés à l'amiante par le passé.

La Presse, avec l'aide de la Société pour vaincre la pollution, a pu examiner des centaines d'appels d'offres publics visant des travaux d'amiante. Plus des deux tiers des bâtiments concernés relèvent du secteur de l'éducation.

Cela reflète le fait que les écoles font l'objet d'un programme de désamiantage depuis 1999. Il y a eu aussi de nombreux chantiers à l'Université de Montréal.

«On croit que les commissions scolaires font ce qu'elles ont à faire, affirme Pierre Lefebvre, conseiller en santé et sécurité à la Centrale des syndicats du Québec. Le nombre d'appels d'offres semble le démontrer.»

Et les données que La Presse a compilées ne concernent que les bâtiments publics, pour lesquels un appel d'offres public est requis par la loi.

Cela ne veut pas dire que les bâtiments privés sont moins susceptibles de contenir de l'amiante. Les mêmes techniques de construction ont été utilisées dans les deux secteurs.

Cependant, le secteur de l'éducation est particulièrement touché par le problème, ici comme ailleurs.

Les autorités américaines de la sécurité du travail placent l'enseignement au primaire parmi les métiers où le risque de mésothéliome, cancer causé par l'amiante, est plus élevé que la moyenne, aux côtés de plusieurs métiers industriels.

Il y a aussi des indices en ce sens en Angleterre, où le nombre de professeurs tués par le mésothéliome est passé de 3 par année, il y a 30 ans, à 16 par année pour la période 2006-2008. Il y a une nuance, cependant: l'amiante utilisé en Grande-Bretagne était de type amphibole, dont la toxicité est plus élevée.

En France, le secteur de l'éducation est au coeur du mouvement antiamiante. L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante en France (ANDEVA) a été fondée en 1996 entre autres par le Comité anti-amiante de l'Université Paris-VI (Jussieu).

Au moins cinq professeurs de Jussieu ont succombé au mésothéliome. Ces morts ont provoqué une importante prise de conscience en France. La décontamination de Jussieu se poursuit.

Au Québec, l'Université de Montréal a lancé un grand nombre de chantiers liés à l'amiante. Le pavillon principal (Roger-Gaudry), construit dans les années 30 et 40, a été désamianté, y compris sa tour emblématique. Des travaux se sont aussi déroulés dans les imposants pavillons Lionel-Groulx et 3200 Jean-Brillant, ainsi que dans celui de la faculté de droit.

«Le travail de désamiantage est terminé, dit Flavie Côté, conseillère principale en relations publiques de l'Université. Il reste de l'amiante dans des zones qui ne sont pas accessibles au public, comme les chaufferies. Dans ce cas, il s'agit d'en faire la surveillance et l'entretien.»

Selon Mme Côté, il y a eu par le passé «deux ou trois» demandes d'indemnisation pour des maladies liées à l'amiante de la part d'employés. Ces demandes ont été acceptées au moins partiellement. Une autre demande est à l'étude actuellement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

On croyait avoir bien établi les sources du risque d'exposition à l'amiante en milieu scolaire, jusqu'à ce qu'un concierge de la commission Marie-Victorin, de Longueuil, reçoive un diagnostic d'amiantose.

En 2009, après enquête, la CSST a estimé que «les travaux d'entretien ménager à la machine sur des revêtements en vinyle-amiante peuvent libérer des fibres d'amiante dans l'air». La plupart des carreaux de vinyle produits avant 1983 contiennent de l'amiante. La CSST a envoyé des consignes à toutes les commissions scolaires afin de changer les méthodes de lavage des planchers.

Un autre cas lié au monde scolaire est à l'étude à la CSST, celui d'une femme qui a travaillé comme secrétaire au cégep de Saint-Félicien et qui a reçu un diagnostic de mésothéliome. Elle s'est éteinte en mars 2011.

Le comité spécial de médecins du Bureau d'évaluation médicale du ministère du Travail a demandé à la CSST de vérifier s'il avait eu «un excès de mortalité par différents cancers notamment par voies respiratoires» dans ce bâtiment.

«La solution est de procéder rapidement à l'enlèvement de façon sûre partout, mais il y a les coûts», dit M. Lefebvre.

«Il y a urgence d'intervenir, dit Jean Lacharité, vice-président de la CSN et responsable de la santé et de la sécurité au travail. Le problème n'est pas quand les matériaux sont en bon état, mais quand ça se détériore. Il faut savoir où il y a de l'amiante et faire un suivi de l'état de tous les édifices.»