L'entreprise qui veut relancer la mine d'amiante Jeffrey a écrit à tous les députés et sénateurs à Ottawa pour tenter de contrer l'impact d'un reportage diffusé la semaine dernière à la CBC.

Ce reportage est diffusé ce soir en version française à l'émission Enquête. Plusieurs critiques y sont adressées à l'Université McGill pour avoir cautionné des recherches sur l'amiante payées par l'industrie.

Et c'est encore McGill qui est prise à témoin dans le débat sur l'amiante dans la lettre rédigée par Guy Versailles, porte-parole de Mine Jeffrey.

«Les tuyaux de chrysotile-ciment sont utilisés à l'heure actuelle dans plusieurs chantiers, écrit M. Versailles. Ils sont présentement en train d'être installés dans le nouveau Centre universitaire de santé McGill, le mégachantier de construction de l'hôpital universitaire.»

Les tuyaux en amiante-ciment (ou chrysotile-ciment) sont en effet employés au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) pour l'évacuation des eaux de pluie. Cette pratique est dénoncée par les opposants à l'amiante, qui rappellent que l'Organisation mondiale de la santé préconise le remplacement de l'amiante par d'autres produits chaque fois que c'est possible.

En entrevue à La Presse, M. Versailles affirme que l'amiante «n'est pas le produit démoniaque que les opposants aiment décrire».

Il reconnaît que McGill est une bonne carte de visite, mais assure que c'est complètement fortuit. «Je ne savais pas que le CUSM avait des tuyaux en amiante, dit-il. Je l'ai appris dans La Presse. Il n'y a pas de complot là-dedans. C'est un produit que les plombiers connaissent très bien, qui est régi par des normes et qui, une fois qu'il est installé, est parfaitement inoffensif.»

Dans sa lettre, M. Versailles dit que l'industrie réussit à utiliser l'amiante de façon sûre. Il affirme entre autres qu'«aucun nouveau cas de maladie liée au chrysotile n'a été reconnu chez les travailleurs embauchés pour travailler à Asbestos et à Thetford Mines depuis 1975». Il dit tenir cette information de sources dans l'industrie.

«Le problème est que l'information est probablement inaccessible du fait qu'elle appartient [aux entreprises]», rétorque le Dr Fernand Turcotte, professeur émérite de santé publique à l'Université Laval.

Selon le Dr Turcotte, la lettre de M. Versailles contient «une macédoine habilement mélangée de vrai et de faux dont l'objet est d'étourdir le lecteur et d'engourdir les sentiments de culpabilité».

M. Versailles se veut aussi rassurant sur les projets de Mine Jeffrey, qui «ne vendra ses produits qu'à 20 à 25 entreprises responsables qui se conforment aux normes d'utilisation sécuritaires canadiennes».

«Nos collègues de l'Inde, de la Corée et de l'Indonésie nous assurent que ce qu'annonce ce document n'est pas applicable dans leur pays», dit M. Turcotte.