Une cinquantaine de médecins et de scientifiques du milieu de la santé pressent le Collège des médecins du Québec d'intervenir dans le dossier de la relance de la mine d'amiante Jeffrey à Asbestos.

Dans une lettre adressée au président du Collège des médecins, Dr Charles Bernard, le groupe demande à l'organisme de prendre position dans le dossier de l'amiante et de condamner la garantie de prêt de 58 millions de dollars que le gouvernement Charest pourrait prochainement octroyer aux propriétaires de la mine Jeffrey.

Les signataires estiment qu'au nom de son mandat de protection de la santé publique, le Collège des médecins doit «prendre position dans les débats qui préoccupent le public en matière de santé». Devant l'imminence de la réponse du gouvernement concernant la demande de garantie de prêt formulée par les propriétaires de la mine Jeffrey, ils réclament une rencontre d'urgence avec le Dr Charles Bernard.

La lettre, qui est parvenue vendredi au Dr Bernard, est jusqu'à maintenant demeurée sans réponse. Il n'a pas été possible samedi d'obtenir les réactions du Collège des médecins.

Les médecins signataires accusent le gouvernement d'effectuer un «travail de désinformation à propos des risques à la santé que pose l'amiante» et estiment qu'il fait preuve d'«aveuglement volontaire» en rejetant les «avis scientifiques de nombreuses organisations médicales québécoises, nationales et internationales, au profit d'intérêts économiques et politiques à court terme». Ils rappellent que plusieurs organisations nationales et internationales considèrent l'amiante comme un produit dangereux et cancérigène.

Les médecins citent une étude réalisée par plusieurs agences de santé publique du Québec en 2007 qui avait conclu que «dans les rares milieux de travail où l'amiante chrysotile continue d'être utilisée au Québec, les taux d'échec des pratiques «d'utilisation sécuritaire» sont de 100%».

Plus de 50 pays ont banni l'utilisation de l'amiante. L'industrie soutient qu'il est encore possible d'utiliser le matériau de façon sécuritaire. Une affirmation que réfutent les signataires de la lettre.  «La population a été complètement bernée et ça continue, dénonce l'un des principaux signataires de la lettre, le Dr Fernand Turcotte, professeur émérite de la santé publique à la Faculté de médecine de l'Université Laval. On fait croire au monde que c'est possible d'utiliser l'amiante de façon sécuritaire alors que c'est précisément parce qu'on a fait à répétition la preuve que c'est impossible que les organismes internationaux ont dû se résoudre à réclamer son bannissement.»

Le ministre Bolduc critiqué

Le groupe de signataires s'en prend également personnellement au ministre de la Santé, Yves Bolduc, qu'il accuse de faire fi des valeurs véhiculées par le Code de déontologie des médecins en mettant «en danger la santé du public québécois et des populations d'outre-mer».

«On est obligé d'être contre l'amiante en raison de notre obligation professionnelle, note le Dr Turcotte. Et ce n'est pas parce qu'il (Yves Bolduc) est ministre qu'il n'a pas cette obligation-là. Nous estimons que notre honneur est compromis dans cette opération-là. La politique que défend notre gouvernement est obscurantiste et on (les médecins) se déshonorerait si on ne sortait pas sur la place publique.»

Avec d'autres collègues médecins, le Dr Turcotte s'est déjà adressé, en vain, au ministre Bolduc. Si les signataires de la lettre se tournent maintenant vers le Collège des médecins c'est qu'ils estiment que ce dernier possède la crédibilité nécessaire pour être entendu sur la place publique. «Il faut informer le public, affirme le Dr Turcotte. Après, ce sera le public qui aura de l'influence sur la décision du gouvernement.»