D'habitude si régulier, si en maîtrise de ses émotions et de son jeu, et si habile à conserver son sang-froid, Roger Federer a laissé le titre masculin des Internationaux des États-Unis lui filer entre les doigts, lundi.

Alors qu'il se trouvait à deux points de la victoire face à l'Argentin Juan Martin Del Potro, un joueur pourtant inexpérimenté et que peu de gens voyaient en finale, à deux points d'un sixième couronnement consécutif à Flushing Meadows et d'un 16e titre du Grand Chelem, Federer s'est tout simplement effondré.

Il a pesté contre l'arbitre, ses jambes sont devenues lourdes, ses doubles fautes se sont accumulées. Et il n'est pas parvenu à trouver une façon d'empêcher Del Potro, ce géant de six pieds six pouces, d'asséner coup droit après coup droit.

L'Argentin, sixième tête de série, est venu de l'arrière pour remporter son premier titre du Grand Chelem en surprenant Federer, le favori, 3-6, 7-6 (5), 4-6, 7-6 (4), 6-2.

«On ne peut pas tous les gagner», a brièvement convenu Federer.

Le Suisse comptait pourtant 40 victoires consécutives à Flushing Meadows et 33 gains d'affilée lors de ses 34 derniers affrontements en tournois du Grand Chelem. Il avait en outre été finaliste lors de 17 des 18 derniers tournois majeurs auxquels il avait pris part, pour un total de 21 présences en finale.

Del Potro, lui? Il s'agissait de sa première finale dans un tel tournoi, et sa fiche en carrière contre Federer était de 0-6.

Après avoir infligé, dimanche, un cuisant revers à Rafael Nadal lors de la demi-finale, l'Argentin de 20 ans en a remis le lendemain, aux dépens de Federer cette fois.

Jusqu'à lundi, la fiche du Suisse contre Nadal dans un tournoi majeur était de 2-5 et de 13-0 contre ses autres adversaires. Malgré tout, Del Potro n'a jamais semblé intimidé par le palmarès étincelant de celui que plusieurs considèrent comme le plus grand joueur dans l'histoire du tennis.

Federer, d'habitude si stoïque, a tenu des propos agressifs envers l'arbitre en chef Jake Garner durant un changement de côté, lui lançant même un avertissement bien senti. «Ne me dites pas de me taire, d'accord? Je parle lorsque je veux bien parler.»

Del Potro, quant à lui, a vécu parmi les plus beaux moments de sa jeune vie, tapant avec enthousiasme dans les mains d'amateurs prenant place dans la première rangée après avoir gagné un point ou se réjouissant en entendant les «Ole!» résonnant dans le stade.

La finale, d'une durée de quatre heures six minutes, est la première à atteindre les cinq manches à Flushing Meadows depuis 1999.

Au départ, rien ne semblait indiquer que le duel atteindrait ce niveau de compétitivité, et encore moins qu'il se terminerait avec un Del Potro couché sur le dos, en larmes, dans l'attente de tenir un trophée du Grand Chelem dans ses bras. Il est le premier Argentin à gagner ces Internationaux depuis Guillermo Vilas en 1977. Ce dernier se trouvait d'ailleurs dans les gradins une rangée derrière Jack Nicklaus.

Après 15 minutes de jeu, Federer menait déjà 3-0 et semblait en pleine maîtrise de ses moyens, se permettant à un certain moment de laisser échapper un cri de joie et de brandir le poing en guise de célébration.

Il a même pris le temps de regarder une reprise sur un écran vidéo géant installé dans le stade.

Del Potro s'est toutefois graduellement mis en marche, s'élançant de façon plus fluide et tirant avantage des problèmes de son adversaire au service. En effet, ce dernier a commis 11 doubles fautes, tandis que son pourcentage de premier service réussi n'attaignait qu'un médiocre 50 pour cent.

Habitué à voyager sans entraîneur, Federer parvient généralement à s'ajuster et à s'adapter aux stratégies changeantes de ses adversaires. Del Potro a cependant réalisé qu'il devait faire confiance à ses coups droits, qui approchaient les 170km/h, et qu'il ne devait pas s'en faire pour le reste.

Cette tactique a fonctionné, Federer n'arrivant pas à contrer son adversaire et perdant de ses avances en deuxième et quatrième manches. Alors que le Suisse menait 5-4 au quatrième set et que Del Potro servait à 15-30, Federer n'était plus qu'à deux points de devenir le premier homme depuis Bill Tilden (1920-25) à remporter les Internationaux des États-Unis pour une sixième année de suite.

Del Potro a toutefois tenu bon face à un adversaire qui ne viendra plus jamais aussi près de réussir l'exploit.