Illustrateur journaliste
Illustrateur journaliste
Il y a cent ans, les techniques photographiques ne possédaient pas la souplesse des appareils contemporains. Comme l'évoque Alphonse Campeau, au début du siècle dernier, la photographie représentait quelques difficultés, voire quelques dangers.
«Les photographes aimaient peu s'en servir. En explosant, le magnésium produisait une flamme énorme, faisait suffoquer tout le monde et le manipulateur se brûlait souvent les mains. Il arriva même que les flammes se communiquèrent aux vêtements des manipulateurs. D'où la nécessité de recourir au dessinateur plutôt qu'au photographe pour illustrer les scènes d'intérieur ou de nuit.» - 20 octobre 1983
Au quotidien, on avait donc plutôt recours à cette époque aux services des illustrateurs pour tout ce qui relevait d'images d'ambiance ou d'action.
La photographie, elle, se limitait aux sujets fixes ou immobiles, étant donné le temps d'exposition prolongé. Les longues secondes nécessaires pour immortaliser les sujets empêchaient la photographie de foules ou de scènes d'action.
Il arrivait donc souvent de voir un illustrateur et un journaliste sur les lieux d'un fait divers ou d'une assemblée publique. L'artiste esquissait un incendie au centre-ville, le portrait d'un notable ou l'ambiance d'un match de hockey du Shamrock de Montréal.
L'avantage du dessin était de rendre les scènes plus spectaculaires tout en laissant libre cours à l'imagination du lecteur.
Le début du graphisme
Ainsi, La Presse a vite saisi l'impact que pouvait provoquer les illustrations en une du journal.
La direction du journal était fort consciente de l'importance du graphisme avant même le début du 20e siècle.
D'ailleurs dans La presse québécoise des origines à nos jours 1880-1895, les auteurs, MM. Beaulieu et Hamelin, écrivaient: «...à force de travail et d'ingéniosité, il (Trefflé Berthiame, le propriétaire du journal) fit de La Presse non seulement une entreprise rentable, mais une entreprise nationale. Son succès tint d'une part à son talent d'homme d'affaires clairvoyant qui utilisa avec profit les procédés journalistiques modernes (illustrations des faits divers, composition à l'aide de linotypes, manchettes, etc.) et, d'autre part, à l'activité de deux journalistes, Jules Helbronner et J.-A. Rodier, qui popularisèrent La Presse dans les milieux ouvriers.»
>>> Voyez un aperçu de l'évolution des unes du journal de 1898 à 1924 en cliquant ici
Le mariage illustration et photographie
Dans ce contexte, il était inévitable que les artisans de La Presse en viennent à marier les techniques de la photographie et de l'illustration au sein des mêmes pages.
Le public aimait voir les photographies des acteurs de l'actualité, que ce soit le premier ministre du Québec ou les vedettes sportives. De fort belles mises en page ont ainsi reflété ces goûts des lecteurs en jumelant de façon intelligente portraits de personnalités publiques et illustrations de scènes d'action.
Dès la fin du 19e siècle, les artisans du quotidien ont su créer des unes visuellement très efficaces en maniant habilement les titres, les illustrations et quelques photographies dans une mise en page raffinée, le tout malgré des techniques de fabrication rudimentaires.
Nap. Gervais, illustrateur sportif
Plusieurs sports étaient très populaires au début du siècle dernier : le hockey, bien entendu, mais aussi la raquette, le billard - il existait même une ligue professionnelle ! - la lutte, le baseball, le patinage de vitesse, les concours d'hommes forts et la boxe.
Mais le sport préféré de tous restait la crosse, pratiquée souvent par les mêmes athlètes qui s'adonnaient l'hiver au hockey. La plupart des joueurs du Canadien jouaient aussi avec le National, l'équipe professionnelle de crosse.
L'illustrateur vedette pour les sports à La Presse était Nap. Gervais, nom d'emprunt présumé de Napoléon Savard. Les scribes utilisaient souvent des pseudonymes à l'époque, tout comme les illustrateurs peut-on penser.
Nap. Gervais était dépêché sur la plupart des événements sportifs. Il semblait d'ailleurs être un passionné puisque le dessinateur n'hésitait pas à aller faire des esquisses lors de matchs de hockey disputés à l'extérieur en plein mois de janvier.
Son style était influencé par les conditions extrêmes dans lesquelles il se trouvait parfois. Il esquissait grossièrement les personnages et les scènes à illustrer, en quelques traits et sans grand souci de ressemblance.
>>> Voyez son portefolio en cliquant ici
Une longue tradition sportive
Nap. Gervais aura été le précurseur d'une longue tradition d'illustrations sportives à La Presse. D'autres l'ont suivi, comme Jos. Bernard, son successeur en quelque sorte, qui ont su créer une oeuvre foisonnante.
Puis, celui qui deviendra l'un des plus grands illustrateurs de La Presse, Georges Latour, aura, à sa façon, aussi marqué l'histoire du journal.
De 1928 à 1932, il occupait la page 18 du supplément du samedi avec ses portraits pleine page de sportifs connus. De nos jours, ces pages sont recherchées par les collectionneurs prêts à les acheter à prix d'or.
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