L'opération Printemps 2001 a fait mal aux Hells Angels en éliminant les clans guerriers des Nomads et des Rockers de Montréal, mais cette fois-ci la récolte est autrement plus impressionnante: pas moins de 111 membres des cinq chapitres encore actifs ont été emportés par le «tsunami» policier.

Parmi les plus grosses prises, on trouve Michel «Sky» Langlois, Benoît Frenette, alias «le général» et l'ancien chef des Rock Machine, Salvatore Cazzetta, qui en menait large au sein de la section de Montréal (Sorel). Il y a aussi plusieurs Hells de Sherbrooke, dont David Rouleau et les frères Yvon, Pierre et Guy Rodrigue, que l'on croyait insaisissables tellement ils fonctionnaient discrètement depuis des années.

Le plus inquiétant, c'est que tout ce monde recyclaient à grands flots l'argent de la drogue dans des entreprises légitimes comme la construction, l'automobile et la distribution de boissons énergisantes. Les Hells Angels ont aussi investi gros en République dominicaine, où ils ont ouvert une section au début de l'année. D'autres développements sont d'ailleurs attendus qui pourraient dévoiler l'ampleur de leurs ramifications et de leurs avoirs. Des hommes d'affaires de Montréal et la région pourraient être éclaboussés.

La retentissante opération de mercredi tient son importance de ce qu'elle décime d'un coup les cinq sections des Hells Angels au Québec. Ce tour de force devrait logiquement empêcher le club de se réorganiser comme il l'a fait en 2001. L'objectif de l'époque étant de mettre fin à la guerre des motards, les policiers s'étaient attaqués aux Nomads et à leurs fiers-à-bras des Rockers de Montréal. Ils avaient à la même occasion mise au jour le réseau de distribution de cocaïne et de haschisch - la fameuse «table», comme on l'appelait - que Maurice Boucher et ses sbires avaient mis sur pied par la menace et les meurtres. Le sanglant conflit avec les Rock Machine/Bandidos et leurs associés du narcotrafic a duré sept longues années.

Bien qu'ébranlés, les Hells Angels s'étaient vite renfloués grâce aux membres des autres sections restées dans le circuit. C'est ainsi que Normand Marvin «Casper» Ouimet et son fidèle acolyte Mario Brouillette avaient hérité du trafic de drogue dans le centre-ville de Montréal, avec ses accointances de la «clique» des Syndicate, une formation fantoche regroupant la «gomme» des gangs de rue. En 2006, les policiers ont «récidivé» en écrouant Brouillette et les leaders des Syndicate. Le narcotrafiquant Yvan Cech, établi en République dominicaine, était également tombé dans les filets de l'escouade anti-motard. En lien avec des fournisseurs colombiens, Cech faisait entrer la cocaïne dans des lingots d'aluminium en partance du Venezuela.

À la suite de cette nouvelle razzia, «Casper» Ouimet et les Syndicate se sont cette fois tournés vers les frères Emmanuel et Ismael Zéphir, autres émules des gangs de rue, en vue de maintenir leur négoce dans les bars et les rues du centre-ville. Le réseau était alimenté en cocaïne par le clan des frères Jean et Patrick Lavertue, contrôlant le sud-ouest de la ville, comme vient de le démontrer la série d'arrestations liée à l'opération Axe, celle-là même qui a fait ressortir les noms de joueurs du Canadien. L'enquête a établi que les Lavertue remettaient de 100 000 à 135 000$ par mois en redevances aux Syndicate.

À la suite des incursions répétées de gangs de rue qui leur faisaient la vie dure, les Hells ont appelé à la rescousse l'ancien chef des Rock Machine Salvatore Cazzetta. Passé dans leur camp à sa sortie de prison, Cazzetta et deux autres transfuges ont été chargés de ramener l'ordre dans son ancien fief du centre-ville, qu'il a contrôlé pendant une bonne partie des années 80 et 90. La décision de confier à d'anciens rivaux un secteur de vente de drogue aussi payant a fait jaser au sein des Hells Angels.

La plus grande victoire de la police est certainement d'avoir touché la section de Sherbrooke, réputée la mieux organisée et la plus riche au Québec. Ses membres rayonnent jusqu'en Ontario et dans les provinces maritimes. Ils jouissent d'une grande indépendance et font dans le blanchiment d'argent et la fraude fiscale depuis très longtemps. Ils possèdent en sous-main un grand nombre de commerces en Estrie, dont des bars, des garages et des ateliers de débosselage. Pour sa part, David Rouleau a des intérêts dans une florissante entreprise de construction de Lavaltrie, près de Joliette.