Le Canada et l'Europe des 27 vont amorcer l'an prochain des négociations pour réduire les barrières commerciales, mais personne ne parle pour l'heure d'un «libre-échange» comme celui convenu entre Ottawa et Washington.

Au terme d'un déjeuner de travail de près de deux heures hier, le président français Nicolas Sarkozy, à titre d'actuel porte-parole de l'Union européenne, et le premier ministre du Canada, Stephen Harper, ont conclu un accord destiné à «renforcer notre intégration économique» qui viendrait «en complément» des négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce.

 

Depuis des mois, le premier ministre du Québec, Jean Charest, martèle l'importance d'un traité de «libre-échange» entre le Canada et l'Europe. Le Canada a déjà conclu un tel traité à la portée très étendue avec les États-Unis, en 1988, et avec le Mexique, en 1993.

MM. Sarkozy et Harper ne vont pas si loin. Le point névralgique de cette entente, a-t-on rappelé hier, sera l'ouverture des marchés publics provinciaux aux soumissions des multinationales européennes. Dans un passé récent, une querelle entre Bombardier et Alstom pour des rames de métro a dû être tranchée par le tribunal - qui a reconnu le droit de la compagnie française de soumissionner. Plus d'intégration économique entre le Canada et l'Europe favoriserait ces soumissions d'un côté et de l'autre de l'océan.

Une première pour l'Europe

Le président Sarkozy a souligné qu'il s'agit d'une première pour l'Europe: jusqu'ici, il n'y a jamais eu de discussions avec un autre pays isolément. Cela passe habituellement par l'OMC ou le G8, le Sommet des pays les plus industrialisés où siège aussi l'Union européenne.

«La solution de la crise n'est pas le repliement frileux, ce n'est pas le protectionnisme», a soutenu hier M. Sarkozy. Dans une séance d'information, les fonctionnaires canadiens ont souligné que les discussions étaient encore bien préliminaires. Surtout, personne ne parle formellement de «libre-échange» entre les deux partenaires.

Le commerce bilatéral entre le Canada et l'Europe progresse régulièrement et a atteint 80 milliards de dollars en 2007.

Douze milliards de retombées

Une étude menée conjointement ne tire pas de conclusions politiques, mais l'accord signé hier conclut que le temps est venu de «donner une impulsion décisive en vue d'un partenariat économique renforcé, ambitieux et équilibré».

L'étude, décidée à Berlin en 2007, évalue à 29 milliards, d'ici 2014, l'augmentation totale des échanges qui pourraient être générés par une meilleure intégration économique entre les 27 pays d'Europe et le Canada. De cette somme, le Canada bénéficierait à lui seul de 12 milliards de retombées.

Les discussions formelles doivent débuter «dès que possible en 2009». Il n'y a pas d'échéancier précis, «nous nous efforcerons de conclure cette négociation rapidement, dès lors qu'elle aura permis d'aboutir sur l'ensemble des sujets identifiés». Les fonctionnaires ont souligné que les deux partenaires n'avaient pas même discuté des champs d'application - on ne sait pas si la culture, par exemple, serait exemptée, comme c'est le cas avec le libre-échange avec les Américains.

Hier, le Canada et l'Europe ont convenu d'abord de «favoriser la libre circulation» des personnes. Depuis un an, Ottawa a ajouté six pays d'Europe à la liste des nations qui n'ont pas besoin de visa pour entrer au Canada. L'objectif est que tous les Européens puissent venir au pays, sans visa, «le plus tôt possible».

Le Canada et l'Europe veulent aussi pousser un accord global pour libérer le transport aérien, «une nouvelle ère dans nos relations transatlantiques». Cet accord doit permettre aux compagnies aériennes d'établir davantage de liaisons des deux côtés de l'Atlantique, un objectif qui soulève toutefois des réticences du côté allemand.

Une entente définitive devrait être conclue avant le 30 novembre, accompagnée d'un accord sur la sécurité dans l'aviation civile, destiné à simplifier les exigences administratives.