Il semble très peu probable que le Québec conteste l'entente sur les changements climatiques que pourrait signer le Canada à Copenhague, estiment des constitutionnalistes spécialistes du partage des compétences entre les provinces et le fédéral.

Le premier ministre Jean Charest a affirmé mercredi que les engagements du Canada à Copenhague n'auront que bien peu de valeur si les provinces refusent d'y donner suite. Mais les experts estiment qu'il serait presque impossible de contester la validité constitutionnelle du traité international.

 

Selon Stéphane Beaulac, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal, le gouvernement fédéral a la compétence exclusive pour négocier tout traité international, et ni le Québec ni aucune autre province ne peut s'y opposer.

«Quand M. Charest suggère que le Québec pourrait contester la validité d'un engagement pris par Ottawa, c'est sans fondement juridique, estime M. Beaulac. C'est davantage une déclaration politique.»

C'est surtout dans la mise en oeuvre des engagements que les intérêts des provinces entrent en ligne de compte puisque l'environnement est une compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement.

Si le gouvernement de Stephen Harper revient de la conférence de Copenhague avec un traité en poche, l'Assemblée nationale du Québec et les gouvernements de chaque province devront ratifier l'entente et adopter une loi de mise en oeuvre des nouveaux engagements pour les enjeux qui relèvent de leurs compétences.

Si les provinces refusent, toutefois, l'engagement du Canada ne vaut rien, rétorque Henri Brun, constitutionnaliste à l'Université Laval. Mais compte tenu des modestes objectifs proposés par le Canada, cette probabilité est mince.

«Le problème surgirait si une province en faisait moins que ce que le gouvernement fédéral propose, explique M. Brun. C'est peut-être pour ça, à tort ou à raison, que le Canada ne s'engage pas à grand-chose, pour être au niveau, par exemple, de l'Alberta.»

Les objectifs du Québec sont, en outre, de loin supérieurs à ce plus petit dénominateur commun, ce qui rend la menace d'une opposition du Québec encore plus «ironique», selon Stéphane Beaulac. «Jean Charest ne peut pas dire que le Canada a adopté des cibles avec lesquelles il n'est pas d'accord. Non seulement le Québec est d'accord avec ces cibles, mais il veut même cinq fois plus de mesures de réduction des gaz à effet de serre», souligne le spécialiste de l'Université de Montréal. L'Alberta serait plus susceptible de refuser de mettre en oeuvre des engagements jugés trop contraignants, estiment les deux experts.

Cour suprême

Benoît Pelletier, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et ancien ministre dans le gouvernement Charest, croit que le Québec pourrait contester la validité d'une entente que le Canada aurait signée sans le consentement des provinces.

«En ce qui concerne la conclusion des traités, la question n'est pas définitivement tranchée par la Cour suprême, soutient M. Pelletier. Aucun arrêt n'a jamais établi clairement que la ratification de traités internationaux, même dans les champs de compétences provinciales, ne relève que d'Ottawa.»

Québec pourrait donc s'adresser aux tribunaux, selon lui.

«Le Québec contesterait la signature même du traité, en prétendant que ce n'est pas un pouvoir exclusif du fédéral dans la mesure où des compétences provinciales sont en cause», explique-t-il.

Si la question n'est pas «réglée», des précédents juridiques, notamment en Cour suprême, indiquent toutefois que le gouvernement fédéral a pleine autorité quand vient le temps de négocier des traités internationaux, dit M. Pelletier. Cela laisse présager que le Québec perdrait un éventuel recours en justice pour clarifier cette question constitutionnelle.

Sur la question de la mise en oeuvre, l'ancien politicien redevenu professeur estime lui aussi que les provinces sont responsables de l'application d'un traité international dans leurs champs de compétence.

«Mais la meilleure façon de s'assurer que les provinces sont dans le coup, c'est de les faire participer à la négociation», conclut-il.