Le Canada pourrait bien continuer à être la cible des Yes Men, ce groupe d'imposteurs qui a tourné en ridicule lundi la position du pays envers les changements climatiques.

Les instigateurs du canular qui a pris par surprise la délégation canadienne au sommet de Copenhague ont expliqué lors d'une discussion sur Twitter mardi avoir visé le pays de Stephen Harper pour renseigner les gens «sur la vraie nature du Canada et sa responsabilité à l'égard des pays en développement».

A la question alors posée par un internaute leur demandant pourquoi arrêter la supercherie maintenant, les Yes Men ont répliqué: «qui a dit que nous arrêtions?», laissant entendre qu'il pourrait y avoir d'autres coups d'éclat.

Lundi, plusieurs journalistes ont eu la surprise de recevoir dans leur boîte courriel un communiqué de presse, orné d'un logo gouvernemental, annonçant que le Canada s'engageait à réduire ses gaz à effet de serre (GES) de 40 pour cent d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.

Si l'information avait été vraie, il aurait été question d'un virage aussi inattendu qu'inespéré pour la communauté internationale négociant en ce moment un document devant succéder au Protocole de Kyoto. Le gouvernement conservateur ne s'est effet engagé qu'à réduire de l'équivalent de 3 de pour cent les émissions de GES sous les niveaux de 1990, pour l'horizon 2020.

L'affaire concoctée par le groupe d'imposteurs new-yorkais a rapidement été démasquée comme étant un canular, mais le porte-parole du premier ministre, Dimitri Soudas, a montré du doigt la mauvaise personne, accusant à tort le cofondateur de l'organisme québécois Equiterre, Steven Guilbeault.

«On nous dit que (le faux communiqué) pourrait avoir été émis par M. Guilbault (sic) d'Equiterre», avait écrit M. Soudas dans un courriel destiné aux journalistes lundi.

L'environnementaliste bien connu s'est évidemment défendu d'être à l'origine de la supercherie et a demandé à M. Soudas de s'excuser pour ses accusations, ce que l'attaché de presse a refusé de faire.

Selon M. Guilbeault, il est évident M. Soudas cherchait à salir sa réputation en l'accusant d'être derrière la supercherie.

«Il a essayé de traîner mon nom dans la boue. (...) Il a fini, devant les caméras, par me dire pourquoi il avait fait ça: parce que je critique le Canada», a-t-il souligné en entrevue téléphonique à partir de Copenhague.

A son avis, le bureau du premier ministre a un sérieux examen de conscience à faire.

«Quand on est rendu à utiliser la machine du premier ministre du Canada pour s'attaquer à la réputation d'un citoyen canadien parce qu'on n'est pas d'accord avec lui, ça commence à ressembler dangereusement à une dictature et de moins en moins à une démocratie», a-t-il laissé tomber.

Pour plusieurs, le problème réside dans l'attitude de Dimitri Soudas. Le chef libéral Michael Ignatieff a d'ailleurs demandé dans un communiqué diffusé mardi à ce que M. Soudas rentre à Ottawa pour avoir faussement accusé M. Guilbeault.

«Parce qu'il a injustement accusé M. Guilbeault publiquement, nous croyons que M. Soudas devrait quitter Copenhague et nous demandons à M. Harper de rappeler immédiatement son attaché de presse au Canada», a écrit M. Ignatieff.

En entrevue, le chef bloquiste Gilles Duceppe a abondé dans le même sens en déclarant que l'attaché de presse avait adopté la même stratégie avec M. Guilbeault que celle que les conservateurs utilisent pour miner la crédibilité de leurs adversaires dans le dossier de la torture des prisonniers afghans.

«(Ils disent): «vous nous critiquez donc vous n'êtes pas avec nous. Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes un ennemi. Si vous êtes un ennemi, vous êtes un taliban.» Et puis, là, dans le cas de Guilbeault, «vous êtes un faussaire, ni plus ni moins». C'est épouvantable ça!», a-t-il lancé.

M. Soudas n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse Canadienne mardi, affirmant qu'il pensait avoir commenté suffisamment sur le sujet.

« Il y a des négociations importantes à Copenhague sur un enjeu très important. On se concentre là-dessus», a-t-il fait savoir par courriel.

Le lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, le ministre Christian Paradis, n'a quant à lui pas voulu se mêler au dossier.

«J'espère qu'on va arriver à une entente avec une approche constructive (...). J'espère que les sources de tensions ne viendront pas annuler ça», a-t-il souligné en entrevue.

Dimitri Soudas, un ancien adéquiste, est l'attaché de presse de Stephen Harper depuis 2002, quand ce dernier est devenu chef de l'Alliance canadienne. Il était son conseiller pour le Québec jusqu'à cet automne.