L'enquête sur la vague d'attaques au cocktail Molotov dans des cafés italiens de Montréal vient de faire un bond de géant: neuf individus liés aux gangs de rue, dont un mineur, ont été arrêtés au cours des derniers jours par l'équipe multidisciplinaire mise en place à la division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal.

«C'est un bilan d'étape dans une enquête complexe. Nous avons résolu cinq dossiers et j'ai bon espoir que d'autres arrestations viennent compléter le portrait», a dit Bernard Lamothe, inspecteur à la Section du crime organisé. «Plusieurs de ces individus sont connus pour des vols qualifiés et pour leurs liens avec les gangs», a souligné l'inspecteur Lamothe. Fait particulier, les prévenus ne sont pas tous membres du même gang. M. Lamothe parle d'un «décloisonnement» des couleurs. «Il peut exister des associations pour faire en sorte d'avoir le plus d'argent possible», a expliqué le policier.

Quatre des suspects appréhendés, Sébastien Calixte, 22 ans, Luckenson Desgraves, 26 ans, Jean-Sébastien Jacques et Louis Cyr, tous deux âgés de 24 ans, ont comparu hier au palais de justice de Montréal. Ils ont notamment été accusés d'incendie criminel, de méfait, de complot et de possession de matières incendiaires en lien avec les attaques commises le 28 octobre dernier contre le bar Peaches et le café Pirandello. La semaine dernière, l'un des accusés, Sébastien Calixte, est venu au procès de son ami Whoody Aristilde pour s'accuser lui-même du meurtre de Gabriel Dominique. De toute évidence, le jury n'a pas cru Calixte puisque, samedi dernier, il a déclaré Aristilde coupable de meurtre non prémédité. Gabriel Dominique a été abattu par balles dans le stationnement du marché aux puces 5 Étoiles, en février 2007. Calixte et trois autres hommes étaient en compagnie d'Aristilde lorsqu'il a fait feu sur la victime. Le mobile n'a pas été évoqué devant le jury, mais la victime frayait apparemment avec les Rouges, tandis que Calixte et ses amis faisaient partie des Bleus.

Quoi qu'il en soit, hier, seuls Desgraves et Cyr ont été libérés sous caution. La Couronne s'est opposée à la mise en liberté des deux autres. Calixte, de toute façon était déjà détenu pour une autre affaire. Les quatre accusés doivent revenir devant le tribunal le 12 mai prochain, mais ce sera seulement afin de fixer une date pour la suite du processus judiciaire.

Une série d'attentats

Entre le 22 septembre et le 24 janvier, 18 établissements de la communauté italienne ont été visés par des cocktails Molotov dans le nord de la métropole. L'accalmie des derniers mois s'explique peut-être par le fait que cinq des individus arrêtés dans cette frappe se trouvaient déjà derrière les barreaux. Les policiers ont réussi à accumuler des preuves et à tisser des liens entre ces détenus et les attaques contre les cafés italiens. Un travail de moine compte tenu de l'omerta qui règne chez les commerçants visés par les cocktails Molotov.

Outre les attaques survenues aux cafés Peaches et Pirandello, l'enquête, toujours en cours, a permis de résoudre celles qui ont eu lieu au Château classique (13 octobre), au Beaches (17 octobre) et au café Ferrari (24 novembre). Des perquisitions ont permis de saisir des armes à feu, des munitions et des stupéfiants.

Il y a deux semaines, la police a rendu publiques des images captées par des caméras de surveillance où l'on voit les coupables à l'oeuvre dans l'espoir d'obtenir l'aide de la population pour retrouver les suspects. Cette stratégie a permis l'arrestation d'un individu.

Avant ce coup de filet, seul Mickendy Démosthène, 18 ans, avait été arrêté relativement à l'un des attentats. Le jeune homme, lié aux gangs de rue, s'était lui-même livré après la publication de sa photo dans les médias.

Depuis la période des Fêtes, 16 enquêteurs étaient affectés à temps plein à ce dossier. Dix d'entre eux relèvent de la section des incendies criminels, les autres de la division du crime organisé.

Encore à ce jour, la police n'a toujours pas divulgué les mobiles de ces attaques et retient plusieurs hypothèses. Selon nos sources, la plus plausible évoque des tensions entre des clans italiens. Ces tensions ne risquent pas de se résorber avec l'assassinat, au mois de décembre, de Nick Rizzuto, fils du présumé chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto. L'assassinat de Rizzuto et les attaques contre les cafés illustreraient l'instabilité qui règne dans la mafia montréalaise. Les incendies dans les cafés pourraient être le fait de gangs de rue à la solde d'un clan italien.

- Avec la collaboration de Christiane Desjardins

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Les attentats

24 janvier

Café-bar Sambuca, 9597, boul. Maurice-Duplessis

5 janvier

Café Côté Est, 2450, rue Charland

26 novembre

Café-bistro La Rosa, 3943, rue Fleury

24 novembre

Café-bar Ferrari, 8061, rue André-Ampère

23 novembre

Café Vegas, 2670, rue Jean-Talon

19 novembre

Café Crystele, 3719, rue Villeray

18 et 12 novembre

Café La Toca

2320, rue Henri-Bourassa Est

5 novembre

Café Aviano, 9185, boul. Saint-Michel

3 novembre

Café Chez Bobbi, 178, rue Jean-Talon

29 octobre

Café bistro Charland, 2347, rue Charland

28 octobre

Café Pirandello, 3280, boul. Robert

Bar Peaches, 8420, boul. Saint-Michel)

17 octobre

Bar Beaches, 8974, boul. Langelier

13 octobre

Café Buon Giorno, 5055, boul. Couture

Salles de réception Château classique, 6010, rue des Rivières

27 septembre

Café Baccio, 8760, boul. Gouin)

22 septembre

Bistro Solaris, 5484, boul. Décarie