Le ministre Norman MacMillan a fait valoir auprès de Marc Bellemare la candidature du fils d'un organisateur libéral au poste de juge parce que «c'est le rôle d'un député» de «défendre ses commettants» quand ils sollicitent un tel poste.

L'intervention de M. MacMillan auprès de Me Bellemare, «c'est sûr que ça pose des questions», estime Michel Bastarache, président de la commission d'enquête sur la nomination des magistrats. Le ministre devra-t-il témoigner? «Toutes les allégations qui sont faites qu'on va juger sérieuses vont être examinées certainement et, dans ce contexte-là, il semblerait que la réponse serait oui. Mais je ne veux pas me compromettre maintenant. Je veux prendre le temps d'y penser», a répondu l'ancien juge de la Cour suprême. Il dit vouloir «connaître les faits un peu plus avant de déterminer si c'est une affaire monumentale».

 

Hier, M. MacMillan a confirmé, comme le révélait La Presse, qu'il avait discuté avec l'ancien ministre de la Justice en 2003 de la candidature de Marc Bisson au poste de juge, que le gouvernement a finalement retenue. Guy Bisson, organisateur libéral de longue date en Outaouais, avait signalé au préalable à M. MacMillan que son fils, substitut en chef adjoint du procureur général à Hull, voulait accéder à la magistrature.

Rien de mal

M. MacMillan était à l'époque président du caucus des députés libéraux et assistait à ce titre aux réunions du Conseil des ministres, l'instance qui nomme ultimement les juges.

Aujourd'hui ministre délégué aux Transports, M. MacMillan a dit ne voir rien de mal dans ce qu'il a fait en 2003. Le député de Papineau, en Outaouais, a justifié son comportement. «Le rôle d'un député pour un commettant dans sa région, c'est de le défendre et de le représenter.» Y compris lorsque ce commettant «a postulé pour un poste, que ce soit comme juge, que ce soit pour un emploi au ministère des Transports ou que ce soit comme je ne sais trop quoi», a expliqué M. MacMillan.

C'est pourquoi il a «fait le message» au ministre de la Justice de l'époque que Marc Bisson «a postulé». «C'est tout ce que j'ai fait», «that's it», a-t-il insisté. M. MacMillan accompagnait alors Me Bellemare à la sortie du restaurant du Parlement pour se rendre à la salle de réunion du caucus.

Cette démarche n'est pas une activité d'influence à ses yeux. «Je n'ai fait aucune pression», a-t-il dit. Pensait-il pouvoir influencer la décision? «Je n'ai pas pensé ça. J'ai dit qu'il y avait quelqu'un qui avait postulé pour le poste et que c'était à lui de décider (Bellemare)», a-t-il répondu. «C'est quoi le rôle d'un député? C'est défendre tes commettants dans toutes les raisons... d'abord que c'est raisonnable», a-t-il ajouté, faisant valoir qu'il est député depuis 21 ans.

Notons que, pendant que son attaché de presse confirmait à La Presse sa discussion avec Marc Bellemare, M. MacMillan niait le même jour en entrevue au Droit être «intervenu de quelque façon pour que le fils de M. Bisson soit nommé juge», laissant croire au quotidien qu'il n'avait donc pas parlé au ministre de la Justice.

Le premier ministre Jean Charest ne voit rien à reprocher à M. MacMillan. «Il y a des gens qui peuvent essayer d'influencer indirectement, ou dire «moi j'ai un candidat», mais une fois que c'est fait, qu'ils disent ces choses-là, il y a un processus de prévu» pour la nomination des juges, a-t-il dit.

Au sujet de la démarche faite par Guy Bisson auprès de M. MacMillan, il a affirmé: «Ça va toujours exister du monde qui vont dire: j'ai soumis ma candidature. Ça relève du bon sens.» Mais «une personne devient juge uniquement si elle passe le test et si elle est recommandée». Et Marc Bisson «a passé le même test que tout le monde» et «a été nommé en fonction de ses compétences».

Au cours de la période des questions - houleuse - à l'Assemblée nationale, le député péquiste Bernard Drainville s'est demandé si M. MacMillan avait obtenu des faveurs en échange de sa démarche auprès du ministre de la Justice en 2003. «Quand on sait que le ministre délégué aux Transports doit ramasser 100 000$ par année pour rester ministre, est-ce qu'on peut savoir combien ça lui a rapporté de nommer le fils de son collecteur de fonds juge?» a-t-il lancé. Pour M. MacMillan, la charge péquiste est «un coup très bas». Rappelons qu'il a plongé son gouvernement dans l'embarras en décembre dernier en révélant que chaque ministre, y compris le premier ministre, devait recueillir chaque année 100 000$ en dons.