Les Québécois croient Marc Bellemare, pas Jean Charest. Le verdict est sans appel : 60% de la population juge que l'ancien ministre de la Justice a raison quand il soutient que Jean Charest a cautionné un système de trafic d'influence pour la nomination des juges au Québec.

Chez les francophones, les deux tiers mettent en doute l'intégrité du premier ministre.

C'est le constat percutant auquel arrive Angus Reid dans un sondage mené pour La Presse les 13 et 14 avril auprès de 800 personnes.

«La confiance à l'égard de M. Charest est sérieusement ébranlée», observe Jaideep Mukerji, vice-président d'Angus Reid au Québec.

Les rebondissements récents sur l'influence des «argentiers» libéraux ne font qu'ajouter à un climat général de cynisme dans la population : 80% des répondants, et 67% des sondés qui ont voté pour le Parti libéral en 2008, croient que «la corruption est généralisée». Seulement 12% estiment qu'elle est un problème limité. De plus, 61% des répondants croient que «les collecteurs de fonds du PLQ imposent des décisions au gouvernement». La proportion atteint les deux tiers chez les francophones.

Seulement une personne sur dix croit que ce n'est pas possible. Près de 40% des électeurs libéraux croient que les bailleurs de fonds du PLQ jouissent d'un tel pouvoir. Toute la classe politique y goûte : les «allégations de fautes graves» auraient pu survenir «avec n'importe quel parti au pouvoir», estiment 80% des répondants. Seulement 13% croient que c'est l'apanage du PLQ. Aussi, 65% des électeurs péquistes estiment que tous les partis sont équivalents.

L'enquête a été déclenchée après que le premier ministre Charest eut annoncé, mardi, la tenue d'une enquête publique sur le processus de nomination des juges, conséquence des allégations de Marc Bellemare selon lesquelles un bailleur de fonds du PLQ a demandé et obtenu la nomination de trois candidats à la Cour du Québec.

Charest pointé du doigt

Me Bellemare soutient avoir informé Jean Charest, à l'époque, qui aurait fermé les yeux. Quand on leur demande : «Croyez-vous M. Bellemare quand il dit que le premier ministre Charest a participé à ce possible trafic d'influence ?», les Québécois répondent par l'affirmative.

Au total, 59% répondent «oui», 27% disent ne pas savoir et seulement 14% des répondants ne prêtent pas foi aux propos de l'ancien ministre. Chez les francophones, on croit Me Bellemare à 65%, et même 28% des gens qui ont voté pour le Parti libéral en 2008 estiment vrais les propos de l'ex-ministre.

Quand on leur demande qui, de M. Bellemare et du gouvernement Charest, qui a réfuté ces allégations, est le plus crédible, 58% des gens optent pour l'ancien ministre, contre 11% pour le gouvernement.

Selon 38% des répondants, la situation nécessite une enquête publique sur «les liens entre le gouvernement et l'industrie de la construction», et 25% jugent nécessaire l'enquête publique commandée pour mettre en lumière les allégations de Me Bellemare.

L'enquête amorcée mercredi avec la nomination du juge Michel Bastarache est loin d'être suffisante - une personne sur quatre estime qu'il s'agit d'une «réponse adéquate», mais 75% des gens estiment qu'il faudrait «en faire bien plus». On atteint 80% chez les francophones, et un étonnant 61% des électeurs libéraux jugent aussi nécessaire d'aller plus loin.

Quand on leur demande si elles croient que la nomination des juges au Québec est faite «de la manière la plus apolitique possible», seulement 15% des personnes sondées répondent par l'affirmative, 54% ne le croient pas et 30% ne se prononcent pas.