Comme Loïc, dans la chronique de Pierre Foglia (La Presse, 23 avril), nous avons vu les affiches de la forêt canadienne et elles nous ont fait rêver.

Nous avons construit ce rêve selon les exigences de l'immigration. Nous avons été choisies sur la base de notre niveau d'études, de notre profession et de notre connaissance du français.

Nous sommes des intellectuelles, nous travaillions, et pour beaucoup, nous parlons français. Nous avons obtenu les points nécessaires; on nous a assuré que le Canada avait besoin de nous. Ça tombait bien, nous avions aussi besoin du Canada. De sa qualité de vie et de sa tolérance. Nous nous sommes donc lancées dans la grande aventure de l'immigration.

Après trois ans d'attente, partagées entre l'appréhension et l'enthousiasme à la perspective des grands espaces canadiens, nous avons reçu notre billet d'entrée au paradis. Nous avons vite appris que ce n'était pas une simple balade qui commençait, mais un parcours de combattante.

D'abord, nous avons assisté à la séance d'information du ministère de l'Immigration, puis nous avons été référées au centre local d'emploi qui nous a envoyées au bureau des équivalences. Trois mois plus tard, nous avons reçu une lettre nous informant que notre diplôme avait perdu une partie de ses crédits en touchant le sol québécois.

Mais, ne nous décourageant pas, nous avons décidé de retourner à l'école, afin de retrouver les crédits perdus. Lors de notre inscription à l'université, nous avons appris qu'il était probable que ce retour aux études prenne plus d'un an et que l'équivalence émise précédemment ne serait pas reconnue. Celles qui en avaient le courage et les moyens ont repris les études et obtenu leur diplôme.

Mais une fois sur le marché du travail, surprise! Quelle est la question la plus fréquente? «Avez-vous de l'expérience pertinente?» Bien sûr! J'ai travaillé plus de 10 ans dans ce domaine dans mon pays d'origine, répondons-nous, naïves. Non! Ces années de notre vie n'existent plus; rayées, oubliées, balayées! L'expérience pertinente, c'est l'expérience canadienne, seulement celle-ci.

Nous comprenons l'importance d'acquérir de l'expérience dans la société d'accueil, mais alors pourquoi nous choisir sur la base de notre profession? Pourquoi nous faire croire que nous constituons un atout? Pourquoi ne pas nous offrir la possibilité d'acquérir cette expérience?

Nous nous sommes donc résignées à chercher un emploi qui ne correspond pas à nos compétences. En plus de la nécessité d'être bilingues, nous nous heurtons aux craintes de certains employeurs qui appréhendent les différences culturelles. En attendant, nous voulons vivre la tête haute et ne pas être à la charge de la société.

De guerre lasse, nous avons demandé l'assistance-emploi. Nous, avocates, professeures, médecins, découragées, seules, à la maison, reléguées aux travaux ménagers, bénévoles dans le meilleur des cas, nous avons l'impression d'avoir perdu une partie de notre identité; nous vivons une perte d'estime et de l'angoisse vis-à-vis de l'avenir, nous nous sentons inutiles et à la charge de la société québécoise.

Et pourtant! Il y aurait peu à faire pour améliorer les choses: informer les candidats des difficultés reliées aux équivalences. Pourquoi ne pas faire les équivalences chez nous? Nous passerions les examens nécessaires à la reconnaissance de notre diplôme dans notre pays. Cela nous épargnerait argent et angoisse, et permettrait au gouvernement de jouir de nos compétences, plutôt que de nous verser des prestations.

Nous pourrions aussi améliorer notre anglais si nous connaissions son importance pour le marché du travail québécois. Ensuite, arrivées ici, il pourrait y avoir, au moins pour celles qui ont obtenu une équivalence, des stages offerts.