Marc Bellemare allègue avoir contribué à un système de trafic d'influence à propos de la nomination de certains juges. Déjà convoqué par le Directeur général des élections, l'ancien ministre de la Justice risque sous peu d'avoir une visite policière et d'être interpellé par le syndic du Barreau. Plus tard, il s'expliquera devant une commission d'enquête.

Sans conjecturer sur la suite des choses quant aux différentes enquêtes, il est opportun de réfléchir sur le mécanisme actuel de nomination des juges. Peut-il être amélioré? Sans doute.

Un candidat à la magistrature, aussi qualifié soit-il, ne peut jamais faire valoir un droit à l'exercice de cette fonction. Autrement dit, une nomination de juge relève davantage d'un privilège accordé à une personne qui, par ailleurs, est présumée posséder les qualités requises pour occuper cette fonction. Actuellement, le spectre de l'influence politique est constant. Bien sûr, cette perception mine la confiance du public dans l'administration de la justice.

Mieux vaut admettre cette réalité plutôt que d'en nier vertueusement l'existence. Une fois vissés au siège du magistrat jusqu'à la retraite, certains juges occultent la piste de l'influence politique. Prenant grand soin d'en minimiser l'importance, en privé, d'autres juges l'admettent.

L'apologie du système actuel de nomination des juges ne convainc pas tout le monde. Tant s'en faut. Des observateurs avertis estiment que le recours aux comités consultatifs ne garantit pas toujours la sélection des meilleurs candidats. D'aucuns estiment que les affinités politiques et les amitiés personnelles jouent un rôle clé.

Avec une franchise qui l'honore, l'actuel juge en chef du Québec, Michel Robert, a reconnu l'influence des élus à propos de certaines nominations: «Ce sont eux qui choisissent. Est-ce que les politiciens font leurs choix en regardant le penchant politique des avocats, je ne sais pas. Mais dans certains cas, peut-être.» (Le Devoir, 28 avril 2005)

Le processus de nomination agit parfois en trompe-l'oeil. Les comités de sélection permettent d'éliminer les candidats indésirables. Cependant, rien n'empêche la nomination d'un candidat recommandé, jouissant d'un soutien politique, au détriment d'un autre candidat simplement recommandé. Au final, la compétence et le mérite personnel sont des facteurs importants, mais relatifs.

Au niveau fédéral, le ministre de la Justice peut demander des précisions au comité de sélection concernant tout candidat. Lorsqu'il estime que les renseignements recueillis d'autres sources contredisent l'évaluation du comité, le ministre peut demander de réévaluer une candidature. Cette prérogative ministérielle porte ombrage à la crédibilité du travail accompli par les membres d'un comité consultatif.

Irwin Cotler, ancien ministère fédéral de la Justice, a déjà fait valoir que ce sont des exigences constitutionnelles qui empêchent le gouvernement d'être lié par les recommandations des comités consultatifs responsables de l'examen des candidatures à la magistrature. Ce faux prétexte doit être récusé.

Par une simple délégation de pouvoir, le gouvernement peut légalement et légitimement accepter un exercice de compétence liée. Tant au niveau fédéral que provincial, le Conseil de la magistrature pourrait voir à la composition et au fonctionnement des comités consultatifs. Ensuite, le ministre de la Justice devrait être obligé de nommer le ou les candidats recommandés par l'organisme consultatif.

En apparence et en réalité, le processus de nomination des juges serait ainsi à l'abri des influences souterraines.