André Pratte signait lundi matin un éditorial bien senti, «L'urgence», appelant la société québécoise à se donner l'éducation comme priorité. On ne peut qu'applaudir à cet appel sachant, comme le montrent d'innombrables sondages (voir Opineduq.ca), que celle-ci ne l'a guère été.

André Pratte signait lundi matin un éditorial bien senti, «L'urgence», appelant la société québécoise à se donner l'éducation comme priorité. On ne peut qu'applaudir à cet appel sachant, comme le montrent d'innombrables sondages (voir Opineduq.ca), que celle-ci ne l'a guère été.

Cela dit, André Pratte fait quelques affirmations qui méritent d'être commentées. Il évoque d'abord ces «10 années perdues» où le Québec se serait éloigné de la mission de notre système scolaire: «L'enseignement rigoureux des matières de base.»

Pourtant, cela était et demeure précisément l'objet de la réforme de 1998. On a substantiellement augmenté le nombre d'heures de français et de mathématiques. On a délesté le curriculum des «petites matières». On a revu tous les programmes dans une perspective d'enrichissement culturel. On a relevé la note de passage dans toutes les matières. On a instauré un régime plus exigeant pour développer les compétences des élèves (ce qui, c'est sûr, est plus difficile à évaluer), pour aller plus loin que l'apprentissage des connaissances. On a défini quelques compétences transversales qui visent à rendre chacun capable d'apprendre tout au long de la vie.

Voilà 40 ans que comme journaliste, fonctionnaire et professeur, comme fils, frère et père d'enseignants et d'enseignantes, j'observe, analyse et participe au développement de notre système éducatif. Or, de 15 ans en 15 ans, l'opinion réclame une nouvelle réforme.

Ainsi, au début des années 80, on revoit l'ensemble des programmes scolaires pour les préciser et pour leur fixer des objectifs clairs. Les enseignants applaudissent, malheureux qu'ils sont depuis la grande réforme qui a suivi le rapport Parent, d'avoir à appliquer des programmes «cadres». Ceux-ci les obligent à une grande autonomie, mais, du coup, ils les ont plongés dans l'insécurité. En effet, depuis des décennies, les programmes «catalogues» leur prescrivaient au jour le jour ce qu'ils devaient faire.

Et voilà qu'au tournant des années 90, on prend conscience d'un taux effarant de décrochage. La Centrale de l'enseignement du Québec, la première, réclame alors la convocation des États généraux. S'ensuit la réforme amorcée en 97-98, celle-là même qu'André Pratte et tant d'autres chroniqueurs remettent en cause aujourd'hui.

Certes, l'éducation doit devenir une priorité. Mais quelle réforme, ou contre-réforme, faut-il à nouveau entreprendre? Faire des bulletins en pourcentage? S'en tenir à l'évaluation des connaissances? Donner des dictées? Favoriser le redoublement? Revenir aux programmes par objectifs? Mais on faisait déjà tout cela quand on a constaté que 30% des élèves ne terminaient pas leur secondaire. Puis, on a entrepris la dernière réforme, avec l'espoir déçu d'améliorer la situation. André Pratte écrit aujourd'hui que l'on a joué «aux apprentis sorciers»!

Vraiment, que ceux qui ont enfin trouvé un meilleur plan que celui que l'on s'est donné en 1997-1998, se lèvent et parlent!