L'auteur dirige Réseau Liberté International, une ONG qui, depuis 1997, mène des programmes d'appui aux médias haïtiens.

L'auteur dirige Réseau Liberté International, une ONG qui, depuis 1997, mène des programmes d'appui aux médias haïtiens.

Selon la Banque interaméricaine de développement (BID), les Haïtiens vivant à l'étranger expédient à leurs proches en Haïti presque 2 milliards de dollars américains par année. Plus de 30% des Haïtiens restés au pays bénéficient de ces transferts (en moyenne dix versements de 150$ par année). Cet argent va essentiellement à la consommation – achats de biens de première nécessité, nourriture, vêtements, logement, gaz, eau et électricité – et au paiement des droits de scolarité (l'enseignement primaire et secondaire est généralement payant en Haïti).

Il y a dans la diaspora de l'argent qui dort et qui pourrait être consacré au développement économique du pays. Plusieurs Haïtiens aimeraient investir dans leur pays d'origine mais hésitent à le faire pour des raisons diverses, dont la crainte de perdre cet argent. D'où l'idée de la création d'un fonds d'investissement et de développement géré de manière rigoureuse et qui aurait des préoccupations de rentabilité. Cette idée a été évoquée à Montréal, le 11 décembre 2004, au cours de la Conférence de la diaspora haïtienne. Depuis, plusieurs groupes, dont la Chambre de commerce et d'industrie haïtiano-canadienne (CCIHC), se sont activés dans ce dossier. La CCIHC s'est assurée de l'appui d'institutions financières canadiennes qui sont prêtes à mettre à sa disposition leur expertise et leurs conseils. Il est temps que ce fonds soit mis sur pied.

En vertu de la constitution haïtienne, une personne qui prend une nouvelle citoyenneté renonce implicitement à la citoyenneté haïtienne. Ce refus de la double citoyenneté est un obstacle qui nuit à l'engagement de la diaspora dans le développement du pays. Le président, René Préval, a promis, il y a plus de quatre ans, de modifier la constitution pour autoriser la double citoyenneté. Il n'a pas pu tenir sa promesse.

Mais il faut aller plus loin. Il faut autoriser le vote des Haïtiens de la diaspora et, comme le font maintenant plusieurs pays, permettre l'élection de députés les représentant. Ce serait une excellente façon de faire comprendre aux Haïtiens de l'étranger qu'on les attend pour reconstruire le pays.

Selon le géographe Georges Anglade, mort à Port-au-Prince la semaine dernière au cours du tremblement de terre, les principales communautés haïtiennes à l'étranger se retrouvent (relevé daté de janvier 2009) aux États-Unis (2,5 millions de personnes), en République dominicaine (750 000), à Cuba (400 000), au Québec (132 000) et en France (100 000). Ces communautés sont divisées entre elles. Il est temps qu'elles mettent de côté leurs divergences et qu'elles s'unissent dans une sorte de lobby international pour défendre Haïti et contribuer à son développement.

L'État haïtien est trop faible pour gérer un éventuel plan de reconstruction. Paul Collier, l'ancien conseiller du secrétaire général de l'ONU sur Haïti, l'a encore affirmé cette semaine. Une tutelle internationale est impensable pour Haïti. La cogestion proposée par Collier (pays donateurs, organismes internationaux, État haïtien) serait un mécanisme lourd, proche de la tutelle.

Pour des raisons historiques, des protectorats américains ou français ou même une cogestion avec ces pays relèvent de l'utopie. J'ai proposé cette semaine un partenariat haïtiano-canadien qui serait sollicité par Haïti et négocié dans le respect de sa souveraineté pour gérer le pays et son plan de reconstruction, le temps qu'il faudra. Pourquoi ne pas bonifier cette proposition en y incluant comme partenaires le Brésil, déjà très impliqué en Haïti, et la diaspora (selon un mécanisme à inventer) qui, après tout, représente plus ou moins le tiers de la population haïtienne mondiale?