Depuis le 12 juin, l'encre n'a cessé de couler au sujet des élections iraniennes. Le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, était donné perdant et a pourtant remporté haut la main les élections devant son adversaire, Mir Hossein Moussavi. En lisant ou en écoutant les médias occidentaux, je ne peux réprimer un moment d'irritation. Les analyses sont toutes le fruit d'une réflexion occidentale, c'est-à-dire incomplète, voire orientée.

L'Iran nous est systématiquement présenté comme un pays musulman conservateur et menaçant pour notre sécurité. Bizarre que les États-Unis apparaissent comme des sauveurs alors que leur discours ne laisse aucun doute: dominer par tous les moyens. Après l'ère Bush, dont la volonté guerrière a été prouvée, et avant d'entrer dans l'ère Obama, Hillary Clinton avait déclaré en avril 2008: «si je suis la présidente, nous attaquerons l'Iran.»

 

Aujourd'hui, le monde vit sous Obama. Le président américain a simplement adopté un discours et une conduite plus politically correct, afin de regagner la confiance des États et de la population de la planète. La main tendue par les États-Unis aux pays musulmans cache des pièges.

Les États-Unis aimeraient récupérer l'Iran, qui occupe une position stratégique au Moyen-Orient, à des fins économiques (accès aux ressources pétrolières et gazières d'Asie) et politiques (nous entrons dans une deuxième guerre froide et il est important pour les Américains que l'Iran quitte la Chine et la Russie pour se ranger de son côté).

Avec les élections volées du 12 juin en Iran et la Révolution verte qui a suivi, les Iraniens sont soudain devenus sympathiques au monde et surtout à l'Occident en se battant contre un régime insupportable par sa violence et ses idées. Nous devons toutefois «regarder» ou accueillir le soutien du «monde» au peuple iranien avec la méfiance nécessaire. Le «monde» pourrait facilement faire un amalgame entre le mouvement iranien actuel contre le régime et un mouvement général contre les pays islamiques.

Or, la Révolution verte pourrait être le premier pas vers une contre-révolution qui permettrait de dissocier la religion de l'État. Les jeunes Iraniens et Iraniennes commencent à parler d'un pays où la religion retournerait dans le domaine du privé. Ils ne renient pas l'islam, ils condamnent la place qu'il occupe au sein du gouvernement.

Un ami iranien m'a déclaré: «Ce régime (des mollahs) n'attend qu'une guerre pour détourner l'attention des Iraniens ainsi que celle du monde entier des problèmes sociaux, économiques, politiques...»

Le peuple iranien est conscient qu'il doit se rapprocher de l'Occident, mais pas à n'importe quel prix. Il a connu la monarchie, la révolution, le pouvoir religieux. S'il décide de faire une contre-révolution, quelles sont les voies qui s'offrent à lui? Une monarchie «modérée», de type espagnol? Ce serait faire marche arrière. Une dictature militaire semble improbable, car aucune des actions des opposants au régime ne va dans ce sens.

Reste la démocratie. Cette dernière peut s'accommoder de la religion en la replaçant dans le domaine de la vie privée. Le peuple iranien est-il prêt à se battre pour la démocratie? Les derniers évènements semblent l'indiquer. Mais advenant une contre-révolution, l'Iran pourra-t-il se protéger contre l'intervention de l'Occident, et surtout celle des États-Unis?

Au-delà des intérêts économiques et politiques de l'Occident en Iran, l'Occident accueille et récupère les évènements récents à des fins de propagande idéologique. L'Iran est un pays musulman qui se lève contre l'oppression d'un régime islamique. En s'appropriant les évènements postélectoraux, l'Occident donne raison aux États-Unis et à la guerre contre le terrorisme... Demandons aux Iraniens qui ont défilé dans la rue s'ils l'ont fait sous la houlette des États-Unis.

J'ai posé la question à plusieurs Iraniens et Iraniennes et leur réaction a été d'abord la stupéfaction, puis la colère. Pourquoi l'Occident, avec les États unis à sa tête, veut-il faire croire et se persuader qu'il peut tout régenter? Le peuple iranien serait-il trop stupide ou ignorant pour décider par lui-même de ses actes et de son avenir? Certes non, car c'est un peuple extrêmement éduqué et très bien informé.

Claude Jacqueline Herdhuin

L'auteure est scénariste, assistante-réalisatrice et auteure. Installée au Québec depuis une vingtaine d'années, elle a été élevée en Iran de 1965 à 1979 et prépare un documentaire sur l'avenir de ce pays.