La Fédération canadienne des municipalités (FCM) a adopté, il y a quelques jours, une résolution qui dénonce la clause Buy American du plan de relance économique du président Obama. Elle vise à empêcher les entreprises américaines d'obtenir des contrats des municipalités canadiennes en guise de représailles.

Cette résolution est suspensive et ne prendra effet que dans 120 jours, le temps, dit-on, que le gouvernement canadien négocie de nouveaux arrangements avec les autorités américaines.

On peut comprendre que les esprits s'échauffent, compte tenu des 200 entreprises canadiennes déjà victimes de cette clause. Mais cela ne nous autorise pas à faire un geste comme celui-là.

Comme nous le précisions dans cette chronique en mars dernier, cette situation douloureuse vécue par les entreprises canadiennes était prévisible et nous ne devons nous en prendre qu'à nous-mêmes si des arrangements particuliers concernant les marchés publics des États américains, des provinces et municipalités canadiennes n'existent pas, pas même dans l'ALENA.

Pour différentes raisons, dont notamment les sensibilités politiques intérieures, le gouvernement fédéral n'a pas négocié de tels arrangements avec nos voisins du Sud. En ce sens, le Buy American, même s'il nous frappe de façon brutale et va à l'encontre de l'esprit du libre-échange nord-américain, respecte les obligations légales des États-Unis envers le Canada.

Deuxièmement, loin de contribuer à la résolution du problème, la résolution de la FCM jette de l'huile sur le feu. Il faut connaître l'histoire de nos relations politiques et commerciales et surtout la gâchette protectionniste facile et «payante politiquement» du côté américain, pour savoir qu'une telle résolution, suspensive (faisant figure de chantage de surcroît), ne fera que braquer davantage les États-Unis.

Enfin, donner 120 jours au gouvernement, le temps qu'il négocie un nouvel accord avec les Américains, est irréaliste. On peut toujours rêver et ce serait une formidable victoire si nous parvenions à réaliser ce tour de force avant la fin de la récession. Mais ce genre de négociations, qui doivent absolument mettre le Québec et les provinces à contribution, peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années avant d'aboutir.

Au surplus, les États-Unis savent pertinemment que s'ils font une exception pour le Canada, sans arrangements préexistants et définis avant l'adoption du Buy American, ils créeront un précédent et subiront les pressions des pays tiers dans la même situation que le Canada (notamment, la Chine et son acier bon marché...).

Par ailleurs, croyons-nous vraiment pouvoir mobiliser le Congrès, à majorité démocrate, traditionnellement plus protectionniste, afin qu'il adopte en pleine crise économique une disposition faisant une exception pour le Canada? Permettez-moi d'en douter.

La voie à suivre est plutôt de se tourner résolument vers l'avenir et de le protéger en entreprenant, au plus vite, des négociations formelles avec les Américains sur l'élargissement des dispositions de l'ALENA sur les marchés publics. Car il y aura d'autres récessions ou des situations où les Américains reviendront à leurs traditionnels réflexes protectionnistes. Il faut s'en prémunir.

Agir rapidement ne signifie toutefois pas qu'il faille agir tête baissée, avec précipitation. Il faut prendre le temps de bien faire les choses et avoir à l'esprit qu'une fois conclu, un tel accord nous régira pour l'éternité, ou presque. La panique et la colère sont de bien mauvaises conseillères.

L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques National.