À l'occasion de la Journée internationale sans diète, il nous semblait important de revenir sur un article paru dans La Presse du dimanche 3 mai qui faisait état des résultats d'une étude stipulant que la composition des aliments n'a aucune incidence sur la perte de poids.

Enfin, les choses sont dites et nous nous en réjouissons. Mais nous déplorons que cette révélation de première importance n'occupe qu'un espace aussi limité en regard de la place prépondérante que prend quotidiennement l'idée complètement erronée que ce sont les aliments qui sont responsables de la prise de poids.

 

Les problèmes de poids ne sont pas à prendre à la légère. Cette phrase peut en faire sourire plus d'un, mais quand on pense aux 73% des femmes du Québec qui veulent maigrir (selon un sondage Ipsos-Reid) et à qui on continue de faire croire que les régimes sont efficaces (alors que 95% d'entre elles reprendront leur poids et plus encore en moins de cinq ans), c'est triste à pleurer.

À quoi servent les régimes? À alimenter la culpabilité, à faire fondre la confiance et l'estime de soi, à appauvrir chaque fois un peu plus cette volonté farouche de réussir qui animent ceux qui souffrent d'embonpoint. Ce qui est mince dans tout cela, c'est le résultat, surtout quand on pense à la somme d'efforts qu'il réclame, en vain...

C'est facile de maigrir: mangez moins et faites plus de sport! Depuis le temps qu'on nous rebat les oreilles de ces inepties, on se demande bien pourquoi la taille de la population s'élargit dans les mêmes proportions que les étalages de produits diététiques. La réponse est simple: parce que la solution n'est pas dans la quantité ou la valeur nutritive de ce qu'on avale, mais dans le rapport qu'on entretient avec la nourriture. L'étude à laquelle l'article fait référence arrive aux mêmes conclusions, mais ne donne pas de solutions concrètes. Dommage.

Pour nous, spécialistes, la réponse aux problèmes de poids n'est pas dans la privation, mais dans l'écoute des besoins de son corps, ni plus ni moins. Manger aux premiers signaux de faim et cesser de manger lorsque le signal de satiété se fait sentir, c'est simple mais pas forcément évident. Pas facile en effet de retrouver les mêmes sensations que nous connaissions quand nous étions bébé et que nous désirions manger. Notre corps ne se posait pas de questions alors, il manifestait son besoin de carburant en utilisant le seul langage qu'il connaissait: les larmes. Aujourd'hui, le corps nous parle encore, mais on ne l'écoute plus. Alors, on lui en donne trop, ou pas assez, ou trop tôt, ou trop tard. Pire, on le prive, on le restreint, on le frustre, on le force à faire fonctionner la machine avec deux fois moins d'énergie: c'est le régime. Lorsque les kilos se sont envolés, on remange (et c'est normal) surtout les aliments dont on a été privés, le corps fait des réserves en prévision de la prochaine famine, on reprend du poids et on recommence à s'affamer... C'est sans fin et sans faim.

Sauf si on interrompt cette spirale infernale qui non seulement est lourde de conséquences physiques, mais dont il ne faut pas négliger non plus les effets pervers sur le plan psychologique. Faire croire aux personnes qui ne parviennent pas à perdre du poids qu'elles sont les seules responsables de leur infortune, c'est faire peser sur leurs épaules un poids bien plus lourd que celui de la graisse: la culpabilité.

Nous recevons tous les jours dans notre cabinet de ces malheureuses incapables de se regarder dans un miroir, et pas seulement à cause de leur apparence. Nous sommes fières aujourd'hui de les aider sur le chemin de la liberté alimentaire.

En comprenant que la nourriture ne fait pas grossir, elles voient leur poids diminuer et la table redevient pour elles le lieu de plaisir quotidien qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.

Les deux auteures sont nutritionnistes et spécialistes de l'approche anti-régime. En compagnie de Marie-Claude Lortie de «La Presse», Mme Guèvrement a écrit les livres, «Mangez!» et «Manger, un jeu d'enfant», publiés aux Éditions La Presse.