Nathalie, c'est une jolie théorie, cette histoire de conflit d'intérêts dans lequel je me serais supposément fourré en acceptant d'écrire les textes des Jutra. C'est joli, mais comme moteur d'intrigue, ça ne passerait jamais une première lecture. Je t'explique. (On se tutoyait la dernière fois qu'on s'est parlé, je me permets donc).

Comme te l'a dit le producteur de l'émission, l'idée de faire appel à moi date d'avant Noël (à ce sujet, tu as écrit «selon le producteur», comme s'il émettait là une opinion contestable. Or, c'est un fait. La proposition m'est parvenue par courriel le 19 décembre. Il n'y a pas de «selon» là-dedans). J'ai accepté au début janvier. Les bulletins de vote des Jutra n'étaient pas encore imprimés.

 

Est-ce que je savais que je serais en nomination à ce moment-là? Je ne suis pas idiot, j'estimais cela fort probable. Est-ce que je croyais gagner? Non. Je venais de voir Ce qu'il faut pour vivre et il n'y avait pas le moindre doute dans mon esprit quant au fait que le scénario de Bernard Émond allait remporter le Jutra. C'est un meilleur scénario, point final, et à ce stade, j'étais encore assez convaincu que le scrutin refléterait cet état de fait dans toutes les catégories.

Et de toute façon, pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il aurait fallu que ma position de scripteur m'octroie une influence, une possibilité de, précisément, servir mes propres intérêts. Cette possibilité n'existait simplement pas, et tu remarqueras que personne n'a soulevé cette idée, bien que mon embauche pour le gala ait été largement médiatisée, et ce, depuis janvier.

Il n'y a donc apparemment que toi qui sois parvenue à démasquer ce sinistre complot en usant d'une technique astucieuse de journalisme d'enquête, à savoir lire le générique de fin du gala. Très fort.

Tu dis qu'aucun film n'a été mentionné en ouverture. Excuse-moi, mais Karine fait référence, dans son mot de bienvenue, à sept films en lice, avec des plans d'acteurs et de réalisateurs à l'appui.

D'autre part, tu surestimes grandement la portée éditoriale potentielle de mon travail au sein de ce gala. Il n'y a pas une ligne de texte qui n'ait pas dû être cautionnée par à peu près 25 personnes (la prudence extrême est revenue à la mode depuis le Bye Bye...). Mais je n'avais aucun compte à régler (pas plus que Karine), et de toute façon, on ne m'aurait jamais laissé les régler, le cas échéant.

Et jamais il ne m'est venu à l'idée de faire allusion à l'exclusion de Tout est parfait de la catégorie maîtresse. Les récriminations à ce sujet ont été faites par d'autres - la critique, essentiellement -, et c'est ainsi qu'il doit en être. Mais je m'insurge contre ta formulation tendancieuse qui dit que Tout est parfait a «semé la pagaille» et que c'est «à cause» de lui que la controverse a éclaté. Ce serait un peu comme de dire que c'est «à cause» d'un poteau de téléphone qu'on a embouti notre voiture. Mais bon, je ne vais pas faire l'inventaire à la pièce de tes glissements rhétoriques, je n'ai qu'une vie à vivre.

Je suis content, ce matin, pour être franc. Ça fait 36 heures que j'attends avec une certaine appréhension que quelqu'un montre du doigt les textes du gala pour leur faire porter un peu des travers du gala. Je trouvais que les gens étaient un peu trop gentils avec moi dans tout ça, et en revanche pas mal raides avec Karine.

Je suis donc heureux que ce soit sous ta plume que surgisse la varlope. T'as trouvé les textes nuls, j'ai aucun problème avec ça. Mais imaginer un conflit d'intérêts derrière tout ça, c'est me prêter un pouvoir que je n'ai pas et des intentions que je n'aurai jamais. Et ça, c'est insultant. J'imagine que tu t'octroieras le dernier mot, c'est ton privilège le plus strict.

L'auteur est écrivain. Il a rédigé les textes de présentation à la «Soirée des Jutra». Il réplique à la chronique de Nathalie Petrowski publiée mardi dans La Presse.