Le 27 février, mon conjoint et moi sommes allés dîner dans un restaurant près de la maison. Comme il pleuvait à boire debout, nous avons décidé de prendre la voiture plutôt que de marcher. À la sortie du restaurant vers 21h30, la pluie ayant cessé, j'ai lancé à mon conjoint: «Chéri, je souhaite rentrer à pied. Conduis la voiture à la maison et reviens en marchant à ma rencontre.» Il a hésité à me laisser marcher seule dans le quartier à cette heure de la journée, m'a-t-il raconté plus tard. «Mais tu es tellement belle à voir avec ton indépendance, tu mords tellement dans la vie que je ne pouvais te priver de ce petit plaisir.»

Je marchais donc vers la maison d'un pas énergique et assuré. À deux rues de notre résidence, je voyais déjà mon conjoint revenir à ma rencontre après qu'il eut laissé la voiture. Entre nous, un groupe de jeunes hommes se tenaient debout sur le trottoir. Ils devaient être cinq ou six. J'ai eu à ce moment un mauvais pressentiment. Surtout que, contrairement à mon habitude, je portais mon sac à la main plutôt qu'en bandoulière.

 

Mais bon, malgré ce pressentiment, je me disais que je n'allais certainement pas me faire agresser dans mon quartier. À deux pas de la sécurité de mon logis. Et encore moins à moins de 200 mètres de mon conjoint! Et puis, ce n'est pas parce que je suis une femme que j'allais nécessairement me faire agresser. Pas dans la sécurité de ma ville. Malgré mon malaise, j'ai poursuivi ma route; j'étais presque rendue.

Or, ce que j'appréhendais s'est produit. Lorsque je suis arrivée près du groupe, une partie de celui-ci s'est dissipée, mais deux jeunes costauds sont restés sur le trottoir. Arrivée à leur hauteur, l'un d'eux a tenté d'arracher mon sac à main en me faisant tomber par terre. Vivement, j'ai tenu bon à mon sac et ai eu le réflexe de crier très fort. Très, très fort et très longtemps. En même temps, je ne pouvais croire à ce qui m'arrivait; c'était comme dans un mauvais rêve. Un cauchemar! Pourquoi moi? Devant ma vive résistance et voyant mon conjoint arriver en courant, l'agresseur a finalement lâché mon sac et pris la fuite par une ruelle. Mon conjoint a tenté de rattraper son complice sans succès.

Un peu ébranlés par la situation mais heureux de constater que je n'avais rien, mis à part une main un peu endolorie, nous avons tout de suite appelé le 911 (vive les téléphones cellulaires). Je n'avais pas terminé de relater l'incident à l'intervenant au bout du fil que déjà nous voyions des voitures de police quadriller le quartier.

Deux policiers nous ont accueillis à bord de leur véhicule de service. Après m'avoir demandé si j'étais «correcte», les policiers m'ont demandé de décrire le suspect et de relater l'incident. Ils ont aussi interrogé mon conjoint. Grâce à cette collaboration dirigée professionnellement, calmement et efficacement, un jeune a été arrêté quelques instants plus tard.

Les policiers m'ont ensuite demandé si je souhaitais déposer une plainte. J'ai pensé à toutes ces femmes qui se font agresser. À toutes ces vieilles dames qui se font arracher le sac à main pour quelques dollars, qui tombent et se cassent une hanche et pour qui c'est le début de la fin. J'ai aussi pensé à ces femmes, jeunes ou moins jeunes, qui ont peur de marcher seules dans leur quartier. J'ai répondu «oui» rapidement.

Les policiers m'ont aussi offert de l'aide et se sont montrés très rassurants et sincèrement empathiques. «Vous savez, madame, si vous en avez besoin, nous offrons des services à la suite de tels incidents»; «soyez rassurée, votre quartier est très sécuritaire»; «vous verrez, avec le temps, les mauvais souvenirs finissent par s'estomper.»

Ce soir-là, j'ai réellement senti qu'on s'occupait de moi en toute considération. J'ai encore en mémoire la main franche que les deux policiers nous ont tendue et leur sourire réconfortant lorsqu'ils nous ont remerciés. Quelle chance que nous avons de vivre dans notre société. Elle n'est pas parfaite. Mais dans les moments de crise, de stress, d'urgence, la qualité des services dont nous jouissons mérite d'être soulignée.

Julie M.

L'auteure habite le quartier Villeray, à Montréal. À sa demande, pour des raisons de sécurité, nous taisons son nom de famille, qu'elle nous a cependant donné, en plus de ses coordonnées.