Pour la première fois depuis 25 ans, le commerce mondial devrait décliner cette année. Selon la Banque mondiale, il baissera d'au moins 2,1% en volume, et vraisemblablement bien plus. Il avait déjà reculé de 2,2% en 1982, mais il avait depuis progressé au rythme de 6% par an en moyenne, soit deux fois plus vite que la production mondiale («3% par an). En 1982, le montant des échanges internationaux représentait un cinquième du produit intérieur brut mondial. En 2007, il en représentait le tiers.

L'accélération des échanges internationaux a été une composante majeure du phénomène de «mondialisation» qui a marqué les 25 dernières années. Elle a été favorisée par de multiples facteurs: l'abaissement des tarifs douaniers et des autres obstacles aux échanges, la réduction des coûts de transport, l'essor des flux de capitaux internationaux qui a permis de créer des capacités de production industrielle dans des pays émergents. L'intégration de ces pays dans l'économie mondiale a conduit à l'«éclatement» des chaines de production entre donneurs d'ordre et sous-traitants disséminés partout dans le monde.

 

Quand la Chine ou le Mexique exporte un produit fini (un jouet, un ordinateur, un téléphone portable), les pièces qui le composent ont déjà passé les frontières auparavant, parfois plusieurs fois. Les pièces détachées et produits intermédiaires qui ont constitué la partie la plus dynamique des échanges mondiaux sont ainsi comptabilisés à de nombreuses reprises, gonflant les statistiques du commerce international.

Ce sont les pays émergents qui ont le plus contribué à cette intensification des échanges. Depuis 2000, leurs exportations ont augmenté deux fois plus vite, en valeur, que celles des pays avancés. Dans cette division internationale du travail, ils sont des «assembleurs» qui exportent les produits finis (comme les émergents d'Asie, la Chine en tête) ou bien des fournisseurs de composants et de pièces détachées (comme les pays d'Europe de l'Est qui alimentent les entreprises de l'Europe de l'Ouest).

Or, en janvier 2009, les exportations de la Chine ont chuté de 17% (en valeur) par rapport à janvier 2008. Celles de la Hongrie et du Mexique de plus de 30%.

La récession économique se répercute de manière d'autant plus forte sur le commerce international qu'elle est particulièrement marquée dans l'industrie qui fournit 80% des échanges mondiaux de marchandises. La production industrielle mondiale a chuté de 20% au dernier trimestre 2008.

Cette chute porte un coup particulièrement dur à la chaîne de production asiatique, dont les circuits d'échanges s'effondrent. C'est ainsi que les exportations du Japon et de la Corée vers la Chine, qui consistent largement de composants électroniques et autres produits industriels intermédiaires, ont chuté de plus de 40% en janvier 2009 par rapport à janvier 2008.

Les interdépendances tissées par la mondialisation, qui ont alimenté une croissance exceptionnellement forte du commerce international au cours des 20 dernières années, créent actuellement les conditions de son effondrement.

FRANÇOISE LEMOINE

L'auteure est économiste «senior» au Centre d'études prospectives et d'infor-mation internationales à Paris.