Je suis une étudiante de 23 ans. À 15 ans, j'ai quitté l'école. À l'époque, je faisais partie d'un groupe d'éducation internationale. Mes notes n'étaient pas la cause de mon décrochage, pas plus que mes parents. Certains professeurs étaient inspirants, d'autres étaient tout simplement trop fatigués.

Je voyais le secondaire comme un moment latent. Une attente, une transition, dans laquelle on ne faisait qu'apprendre et se contenir. Ça m'ennuyait, me rebutait.

 

Les enseignants m'ayant le plus influencé étaient passionnés, critiques et dynamiques. Ils me transmettaient le goût de me dépasser. Mais cela n'a pas suffi et j'ai quitté l'école parce que j'en avais marre d'être en attente et je suis allée sur le marché du travail dans le but d'amasser de l'argent pour voyager.

J'ai parcouru le monde et j'ai repoussé mes propres limites, et cela m'a incitée à retourner sur les bancs d'école. Cependant, ma motivation principale fut la maternité. J'ai deux enfants et, au-delà de tout, je veux que ma Rosalie, qui a 5 ans et qui est aveugle, et mon petit Benjamin, âgé de 2 ans, ne manquent jamais de rien.

Le système d'éducation actuel devrait être beaucoup plus humaniste, car les enfants d'aujourd'hui évoluent dans un cadre de vie complètement différent et beaucoup plus stressant qu'autrefois. Les enseignants comme les élèves travaillent constamment sous pression «parce qu'il faut passer le programme». Il n'y a pas de temps pour l'engagement social ni pour le développement de l'esprit critique et encore moins pour rencontrer des gens passionnés.

Pourtant, ce sont là les seuls stimulants qui retiendraient les jeunes sur les bancs d'école et qui les convaincraient qu'ils ont une place quelque part, qu'ils peuvent changer les choses et que leur passage au secondaire est important.

Les jeunes ne sont pas plus cons ni plus paresseux qu'avant. Ils se sentent seulement impuissants face à l'instabilité de leur famille, au négativisme général qui les entoure et au sentiment persistant de ne pouvoir rien y faire. Ce n'est sûrement pas avec le programme actuel que nous formerons des visionnaires et des militants. Ce n'est pas non plus en réduisant les connaissances nécessaires à l'obtention d'un diplôme que nous doterons notre société de professionnels qualifiés et ouverts d'esprit. C'est plutôt en offrant un cadre d'apprentissage sans stress, inspirant et enseigné par des passionnés que nous y parviendrons.

Ce que je déplore par-dessus tout, c'est que l'élite, dont je faisais partie, avait davantage de moyens financiers pour faire des activités culturelles que les groupes réguliers et les groupes de soutien de mon école publique. L'engagement social ou le visionnement de reportages scientifiques et culturels ne coûtent pourtant pas cher et n'excluent personne.

Aujourd'hui, j'étudie en sciences de la nature au cégep de Saint-Hyacinthe et je souhaite devenir médecin. Cela prouve que, parmi les décrocheurs, il n'y a pas que des délinquants, mais également de grands esprits qui s'égarent faute de ressources et de créativité.

Albert Einstein était, dit-on, peu doué à l'école...

L'auteure de la lettre de la semaine, Joanie Rondeau, recevra une copie laminée de cette page.

Joanie Rondeau

L'auteur réside à Saint-Hyacinthe.