L'économie américaine traverse sa pire récession en 30 ans. L'effondrement de l'immobilier résidentiel, la précarité du secteur financier ainsi que l'explosion des déficits attisent la méfiance à l'égard de l'économie de nos voisins du sud.

Certes, les Américains sont aux prises avec des défis hors du commun, mais la récession mondiale semble plus virulente dans les pays qui vivent essentiellement de leurs exportations. Comme le Canada fait partie de ces pays, les prochains mois seront difficiles. Déjà, l'ère des surplus budgétaires et commerciaux fait partie du passé.

 

Le PIB américain s'est replié de 6,2% (rythme annualisé) au quatrième trimestre de 2008, son pire résultat depuis 1982. Le premier trimestre de 2009 s'annonce aussi difficile. L'orage apparaît toutefois plus intense en Europe et en Asie. Au Japon et en Allemagne, le PIB a été amputé de 12,7% et de 8,4% respectivement au quatrième trimestre de 2008. Un effondrement de 40% et de 26% des exportations explique ce repli marqué des économies nippones et allemandes.

En Chine, l'économie peine à maintenir une croissance de 6%, niveau critique qui permet d'éviter les tensions sociales. Il y a un an, période où l'optimisme était encore à la mode, les marchés financiers avaient conclu (à tort) que l'économie américaine pouvait trébucher sans que le reste du monde n'en subisse les contrecoups. C'est à ce moment que le terme «découplage» est entré dans le lexique financier.

Sans rien enlever aux puissances économiques en devenir (Chine, Inde, Brésil), il m'est toujours apparu hautement improbable que l'économie mondiale puisse se passer du consommateur américain, lequel représente encore près de 20% du PIB mondial.

L'effet de contagion des pays «endettés» qui surconsomment (États-Unis, Royaume-Uni) sur les pays en «surplus» qui surproduisent (Allemagne, Japon) fait en sorte que les pays exportateurs retrouveront le chemin de la croissance seulement lorsque l'économie américaine se redressera.

Au Canada, les données du PIB n'ont pas encore été publiées, mais l'année 2008 s'est terminée sur une note assez sombre. La consommation a été ébranlée en novembre et décembre et le repli des exportations amputera le PIB de façon considérable au cours des prochains mois.

Près de 75% des exportations canadiennes prennent la direction des États-Unis. De plus, les volets énergie et automobile représentent près du tiers de nos ventes à l'étranger. Toute reprise de l'économie canadienne ne pourra que suivre une reprise aux États-Unis.

Dans le meilleur des cas, les Américains retrouveront le chemin de la croissance en seconde moitié de 2009 et le Canada en 2010. La Banque du Canada devrait donc abaisser son taux directeur à 0,75% demain et un creux de 0,50% est à prévoir d'ici l'été.

Les taux d'intérêt resteront donc très bas encore longtemps et le huard aura tendance à faiblir, deux mesures qui permettront aux exportateurs de souffler un peu en attendant que l'économie mondiale retrouve sa vitesse de croisière vers 2011.

Delisle, Vincent

L'auteur est stratège financier à Scotia Capitaux.