Les Américains ont osé élire un président souriant. En trois semaines, le chef d'État le plus puissant de la Terre est devenu la coqueluche des médias internationaux. Compétent, affable, excellent écrivain, il a une attitude humaine et accueillante. M. le président parle en souriant. M. le président sourit en parlant. Vent de fraîcheur sur une Amérique délabrée, sur une planète désespérée. Obama ressemble à une fleur épanouie poussant dans un pays aride et divisé, économiquement affaibli, cible du terrorisme international et de groupes plus ou moins identifiés.

Chez nous, Jean Charest sourit rarement. Il a sans cesse une attitude gênée, figée, une gestuelle enfermée dans une camisole de force, une mimique désorientée, une approche congelée. Il a le sourire forcé, bourru, inhabituel, désabusé. Son sourire est commandé, déconnecté, fabriqué sur mesure, antinaturel. Son sourire est mou, flasque, sans dynamisme.

 

Pauline Marois a aussi le sourire fabriqué, calculé, sans cesse en recherche d'une application télévisée. Rien de franc, de spontané, de généreux dans ce sourire capsulé. Des malins me disent qu'elle a le sourire château brillant, le faciès d'une grande dame dissimulée. Son sourire est artificiel, guindé, mesuré, encadré pour un clip de fin de soirée. Son sourire est saccadé, endimanché, pincé, flirtant avec les gens de haute société. Son sourire ne fait pas peuple, expressif, se mariant avec les gens des basses marées. Le sourire de son vis-à-vis fédéral, Gilles Duceppe, agace, désarçonne, étonne. Je n'ose pas le qualifier.

De son côté, Stephen Harper est sérieux comme un pape endimanché. Son sourire est intraduisible. Il est tout intérieur, si jamais il existe. Le premier ministre canadien n'a pas l'habitude se s'éclaffer, de tendre un sourire d'accueil, d'offrir une verve teintée d'affabilité, d'un sourire donné. Il a le sourire un tantinet nerveux. Jamais désagréable. Toujours raffiné.

Le député de ma circonscription provinciale a le sourire difficile, pris à l'arraché. Il semble l'avoir uniquement pour la galerie médiatique. Son sourire est gêné, fabriqué pour le kodak des journaux locaux de ma circonscription. Il a de plus en plus le sourire jaune depuis que les usines cessent de fonctionner et menacent de ne plus opérer. Son sourire est sur Facebook. J'aimerais voir le sourire en coin de la députée qui l'a précédé. Je vérifierai.

Je ne vois pas poindre le Barack Obama du Québec. Jean Lesage disait en 1960 qu'il fallait que ça change! Ici, il n'y a que les politiciens qui ont changé. La politique est toujours la même: hypocrite, pleine de turpitudes, d'entourloupettes, de mensonges cachés ou semi-voilés. Le Québec aurait besoin d'un premier ministre qui promet de faire des changements et des citoyens qui acceptent qu'il les fasse. Qu'il les fasse en souriant et que les électeurs acceptent, en souriant, qu'il procède ainsi.

Nestor Turcotte

L'auteur habite à Matane.