Les élections générales auront lieu en Inde en 2009 dans un contexte économique sérieusement dégradé. On aurait pu penser que l'Inde serait à l'abri de la crise mondiale, car à la différence de la Chine, ce pays a gardé une économie relativement fermée aux échanges extérieurs et où la demande des ménages joue un rôle majeur: la consommation des ménages représente 63% du PIB indien contre 37% du PIB chinois.

Or la situation économique indienne se détériore rapidement depuis l'automne 2008. En octobre dernier, la production de l'industrie manufacturière a baissé de 1,2% et sa progression sur l'année a sans doute été deux fois moindre qu'en 2007 (4% contre 9,9%). Les exportations reculent (-12% en octobre) à la suite de la contraction de la demande mondiale; les grandes sociétés de services informatiques qui dépendent à 80% de la demande américaine s'apprêtent à souffrir.

 

Depuis 2005, l'Inde connaissait une croissance économique exceptionnelle (plus de 9% par an ) et le choc extérieur la frappe au pic de ce cycle. En 2008, même sans la crise internationale, la croissance serait retombée, d'autant que depuis fin 2007 le gouvernement menait un politique monétaire restrictive pour lutter contre le risque d'inflation. La crise mondiale précipite et amplifie le ralentissement conjoncturel.

Crise financière

Bien que ses banques soient peu exposées aux prêts toxiques, l'Inde subit le choc de la crise financière, car les capitaux étrangers qui étaient entrés massivement en Inde, comme dans les autres pays émergents, ces dernières années, se sont retirés brutalement. Dès lors, la Bourse s'est effondrée (-60% depuis janvier 2008) et les entreprises indiennes qui avaient largement bénéficié de l'abondance des liquidités sont maintenant confrontées à un assèchement des sources de financement, tant sur le marché intérieur que sur les marchés mondiaux.

Les incertitudes de la conjoncture et le manque de financement conduisent les entreprises à suspendre leurs projets d'investissement; en raison de l'aversion au risque, les banques sont réticentes à prêter; les ménages, inquiets, freinent leurs dépenses de consommation.

Pour l'année financière 2009-2010 (qui se termine le 31 mars 2010), les prévisions officielles tablent sur une croissance de l'ordre de 7%, mais nombre d'experts prévoient qu'elle sera plutôt de l'ordre de 5% ou même 4%, en dépit des mesures annoncées en décembre et à nouveau en janvier par les autorités pour soutenir l'activité: baisse des taux d'intérêt, augmentation des prêts des banques publiques, facilitation des prêts aux PME, mise en oeuvre accélérée des dépenses publiques d'investissement.

Dans l'immédiat, la baisse des prix de l'énergie et des matières premières va profiter à l'économie indienne et la dépréciation de la roupie sert ses exportations. À plus long terme, avec une population d'âge actif qui augmente de 300 millions de personnes entre 2010 et 2030, l'Inde a un formidable atout, à condition qu'elle surmonte les obstacles internes à sa croissance, et investisse dans les infrastructures et l'éducation de masse. Un défi pour le gouvernement issu des prochaines élections, quel qu'il soit.

L'auteure est économiste principale au Centre d'études prospectives et d'infor-mations internationales à Paris.