Mon père, Joseph-Louis, était un Franco-Américain, né dans la paroisse Sainte-Anne, à Fall River, Massachusetts. Il a vécu son enfance entre l'orphelinat et la maison de son père adoptif, Eugène Thériault, dans ce qu'on appelait le P'tit Canada. Parti de Saint-Pascal de Kamouraska au début du siècle dernier pour travailler dans les manufactures de coton, mon grand-père était resté toute sa vie un expatrié.

Mon père, né aux États-Unis mais élevé en français, était un Américain devenu, par amour pour ma mère, un Canadien français. Moi, je me définis comme Québécois mais quelque chose en moi, hérité de mon père, demeure américain. Une part de mes racines est en Nouvelle-Angleterre. Mon père m'a transmis le respect et la fascination des institutions américaines et de sa fabuleuse histoire.

Papa nous racontait Lincoln, FD Roosevelt, qu'il admirait, et le New Deal. Il nous parlait de la Constitution, de la présidence et de ses symboles. L'assassinat de John F. Kennedy l'avait touché plus que tout le monde dans son entourage. Malgré son amour du Québec, papa restait profondément américain.

Depuis sa mort, en 1987, je garde sur moi précieusement sa carte du Social Security Act datée du 11 décembre 1936. C'est ma manière de cultiver son souvenir et de marquer mon américanité. J'ai pourtant développé dans ma vie une relation d'amour-haine avec les États-Unis. J'exècre son impérialisme et son arrogance. J'ai marché avec 200 000 autres Québécois contre la guerre en Irak en 2003. Mais l'histoire de la guerre de Sécession, de la Révolution américaine et de ses héros, me bouleverse. J'ai pleuré sur les plages de Normandie et au cimetière américain. Le jazz, le rock et le cinéma américain constituent de grands pans de ma culture.

Comme beaucoup de Québécois, j'ai suivi avec émotion et parti pris la marche de Barack Obama vers la présidence des États-Unis. Le soir de l'élection, le 4 novembre, et en ce 20 janvier, je pensais à mon père. Je me demandais ce qu'il aurait pensé de cet homme étonnant, premier Noir à devenir président des États-Unis. Je crois qu'il aurait été très fier de ses origines, qu'il aurait fait cette moue qu'il avait lorsqu'il refoulait ses larmes et ses émotions. Je crois qu'il aurait dit: «God Bless America». Il nous aurait parlé de Jacky Robinson, de Martin Luther King, de la capacité de ce grand peuple de se reprendre en main et de régénérer l'espoir du rêve américain. Il aurait été profondément américain.

L'auteur est un Montréalais.