Le discours remarquable prononcé par Barack Obama lors de son assermentation comme 44e président des États-Unis d'Amérique aura été un moment d'éloquence humaniste et de grandeur dont on a perdu l'habitude dans nos sociétés affairées où trop souvent le cynisme le dispute à l'indifférence. Pourtant, puisque tant de Québécois et de Canadiens ont exprimé depuis son élection une admiration débordante pour le nouveau président, je me suis permis de rêver en me demandant ce qu'il adviendrait de nous si la parole de Barack Obama était transposée au Québec.

Serions-nous prêts, comme Barack Obama l'a demandé avec ferveur à ses compatriotes, à embrasser les idéaux et les valeurs que son discours a évoqués avec tant de force et de puissance de conviction? Avons-nous besoin d'attendre de trouver chez nous un homme de sa trempe pour nous en convaincre? N'aurions-nous pas autant que nos voisins américains un urgent besoin de rebâtir une société plus libre, plus responsable, plus juste et plus démocratique?

 

Qu'y a-t-il dans le discours de Barack Obama qui ne soit pas applicable au Québec en dehors de l'influence du géant américain dans le monde et de sa politique étrangère? Lorsque Barack Obama dit: «Notre système de santé coûte trop cher. Nos écoles laissent tomber trop d'enfants et chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l'énergie renforce nos adversaires et menace notre planète», ne pourrait-il pas s'agir du Québec? Lorsqu'il poursuit en déclarant: «Mais il est bien fini le temps de l'immobilisme, de la protection d'intérêts étroits et du report des décisions désagréables», parle-t-il du Québec ou des États-Unis? Enfin, lorsqu'il proclame : «Quoi qu'un gouvernement puisse et doive faire, c'est en définitive de la foi et de la détermination des Américains que ce pays dépend», pourrait-on remplacer le mot Américains par Québécois?

Travail, honnêteté et courage

Il est vrai que l'Amérique dont hérite Obama traverse probablement une bien plus mauvaise passe que le Québec. Mais lorsque le nouveau président évoque les valeurs comme le travail, l'honnêteté, le courage, le respect des règles, la tolérance, la curiosité, la loyauté et le patriotisme, sommes-nous si sûrs que seuls les Américains ont besoin qu'on les rappelle à leur souvenir?

«Ce qui nous est demandé maintenant, c'est une nouvelle ère de responsabilité, une reconnaissance de la part de chaque Américain, que nous avons des devoirs que nous n'acceptons pas à contrecoeur mais saisissons avec joie...», de poursuivre Barack Obama. N'a-t-on pas également au Québec le sentiment que nos droits, qui sont nombreux et revendiqués à grands cris, ont depuis longtemps déclassé leur contrepartie, en l'occurrence, nos devoirs de citoyen? N'y a-t-il pas, chez ce voisin du Nord, une lourde tendance à croire qu'il revient au seul gouvernement de tout résoudre autant que d'assumer toutes les responsabilités? Portons-nous sérieusement en nous ce désir de changement que propose Barack Obama? Pourrions-nous reprendre à notre compte le fameux Yes We Can?

Si l'on veut croire aux vertus de Barrack Obama autant qu'on a conspué les travers de son prédécesseur, il faudra s'inspirer de toutes les parties de son discours et pas seulement de celles qui font notre affaire ou nous amènent à croire que les Américains sont les seuls à devoir changer. Avant le discours du 20 janvier de Barack Obama, tout le monde s'effrayait à l'idée de voir démesurément grandes les attentes des Américains à son endroit. On vient de s'apercevoir que celles du nouveau président envers son peuple sont également élevées et exigeantes. La réponse des Américains à cet appel pourra nous inspirer.

L'auteur est consultant en communication. Il fut conseiller du premier ministre Daniel Johnson et il exerce présentement le même rôle auprès de Jean Charest.