S'il est une leçon à tirer de la crise financière mondiale, c'est que le temps est venu pour le Canada de moderniser son système réglementaire.

La crise actuelle constitue en soi une preuve de l'existence d'un marché financier planétaire. Le fait que les taux élevés de défaut de remboursement associés aux hypothèques à risque aux États-Unis puissent mener à l'effondrement du secteur financier à l'échelle mondiale montre que nos marchés nationaux sont inextricablement liés.

 

En outre, l'étendue géographique de la crise a révélé que les investisseurs, les entreprises et les institutions financières sont prêts à franchir de grandes distances pour obtenir des rendements élevés, des capitaux à moindre coût et des bénéfices plus grands. Une telle mobilité des capitaux signifie que tous les pays, y compris le Canada, se livrent une concurrence directe pour être des centres de formation de capital.

La crise a également fait ressortir toute la complexité qui caractérise nos institutions financières. Les institutions financières ne peuvent plus être classées uniquement selon les types de produits qu'elles offrent. En fait, nombre d'entre elles sont devenues des entités hybrides: elles cumulent les fonctions de banque commerciale, de fonds de couverture, d'assureur, de maison de courtage et de conseiller en investissement. Les institutions les plus importantes oeuvrent sur divers marchés et dans plusieurs pays, et leur taille et l'ampleur de leurs activités dépassent de loin les capacités des organismes locaux de réglementation.

Chose plus inquiétante encore, la crise a montré que beaucoup d'organismes de réglementation n'étaient absolument pas prêts à s'attaquer aux causes d'une crise financière systémique. Dans certains pays, les organismes de réglementation ont travaillé de façon tout à fait isolée - chaque organisme s'est concentré sur un élément particulier du secteur financier, sans donner à quiconque une image complète du marché dans son ensemble.

Par conséquent, le système de réglementation du Canada fait face à trois principaux défis. Étant donné que l'activité financière est maintenant mondiale, le système du Canada doit être prêt à réglementer les marchés canadiens dans un cadre d'accords de coopération conclus avec des organismes de réglementation étrangers. Il doit également défendre avec plus de vigueur les intérêts du Canada relativement à l'établissement de normes internationales de réglementation.

Afin de mieux surveiller les conglomérats financiers, il doit réglementer de façon plus exhaustive tous les aspects de ces institutions.

Pour rendre les marchés financiers canadiens plus attirants, il doit atteindre un juste équilibre entre la nécessité d'établir une nouvelle réglementation et le coût qu'entraînera cette réglementation pour les participants aux marchés.

Au-delà des recommandations

En vue de relever ces défis, le Canada doit non seulement mettre en oeuvre les recommandations du Groupe d'experts sur la réglementation des valeurs mobilières, dont le rapport a été publié hier, mais également aller au-delà de ces recommandations.

En premier lieu, la responsabilité de la réglementation de tous les secteurs des marchés financiers, y compris la réglementation des valeurs mobilières, devrait incomber au gouvernement du Canada. Une autorité fédérale serait la mieux placée pour veiller à ce que la réglementation soit d'une qualité uniforme à l'échelle du pays et pour représenter les intérêts du Canada lors des négociations bilatérales et multilatérales sur les normes financières.

En second lieu, les pouvoirs en matière de réglementation devraient être regroupés au sein d'un plus petit nombre d'organismes, afin de rendre possible une réglementation plus large et plus complète des institutions financières. (...)

En troisième lieu, les organismes canadiens de réglementation devraient s'appuyer sur la recommandation du Groupe d'experts concernant la réglementation des valeurs mobilières, et introduire une réglementation fondée sur des principes et proportionnée dans tous les domaines de la réglementation financière. (...)

Le fait que le Canada ait mieux résisté à la crise financière que ses principaux partenaires économiques ne signifie pas pour autant qu'il puisse ignorer les leçons devant être tirées de cette crise. La mise en oeuvre rapide des recommandations du Groupe d'experts constitue une première étape importante. Cependant, le pays doit absolument aller au-delà de ces recommandations et procéder à une modernisation de l'ensemble de son système de réglementation financière, afin d'assurer la sécurité et le succès futur des marchés financiers du Canada.

L'auteur est professeur agrégé et directeur du Heyman Center on Corporate Governance à la Benjamin N. Cardozo School of Law, à New York. Il a agi à titre de conseiller auprès du groupe d'experts sur la réglementation des valeurs mobilières.