Des voix s'élèvent un peu partout et réclament le déploiement d'une force de maintien de la paix de l'ONU à Gaza. Une telle initiative n'est, pour l'instant, ni réaliste ni souhaitable.

Il y a quelques jours, l'ancien commandant de la force de l'ONU en Bosnie, le général canadien Lewis Mackenzie, enjoignait le Conseil de sécurité à avoir le «courage» d'envoyer à Gaza une mission de maintien de la paix musclée afin de protéger Israël et à faire usage de la force militaire contre le Hamas si cela se révélait nécessaire. Compte tenu des événements actuels dans la bande de Gaza, cette proposition peut sembler séduisante, mais n'a aucune chance d'être même proposée aux membres du Conseil.

En effet, à y regarder de plus près, le courage n'a rien à voir dans cette affaire. La création et le déploiement d'une mission de maintien de la paix, même musclée, reposent sur une série de paramètres politiques et techniques qui ne sont pas réunis pour l'instant. Un de ceux-là est le consentement des parties au conflit à accueillir une telle mission. Or, ce consentement n'existe pas. En admettant que l'ONU s'en passe, les difficultés apparaissent immédiatement. Les tenants de la mission obtiendront-ils le feu vert du Conseil de sécurité? Les membres de cet organe n'ont pas de vision unifiée de la question israélo-palestinienne. La Russie, la Chine, la Libye et d'autres pays voudront examiner de près le mandat de la mission, et si celui-ci est perçu en défaveur des Palestiniens, ils voteront sans doute contre. Ils peuvent toujours s'abstenir et, ainsi, permettre la création de la mission, mais qui enverra des troupes? Le nombre de contributeurs est limité aux pays qui ont de solides moyens militaires - les États-Unis, quelques États occidentaux et un ou deux pays en développement - et qui ont la volonté politique de les utiliser pour mettre en oeuvre un mandat coercitif. Et encore, dans un tout autre contexte, en Afghanistan, l'usage de la force par des troupes de l'OTAN soulève de vives oppositions dans ce pays et chez les États participants.

Un problème surgit alors: cette mission, dans l'esprit du général canadien, devra combattre le Hamas et, pour ce faire, mener des opérations de combat sur un territoire densément peuplé. La mission sera vue, à tort ou à raison, comme une intervention occidentale visant à punir les Palestiniens. Une telle mission tournerait au bain de sang.

Il existe une autre option. La mission pourrait toujours être composée de militaires musulmans (Turquie, Égypte, Indonésie, etc.) appuyés par une logistique et du matériel occidentaux. Le gouvernement israélien n'en voudra pas, car il ne fera jamais confiance à son «impartialité», et il n'est pas certain que ces Casques bleus voudront combattre le Hamas.

Difficultés et obstacles

Compte tenu de ces difficultés et obstacles, de quoi au juste avons-nous besoin pour régler la crise immédiate en attendant un règlement plus global? À l'heure actuelle, d'un côté, Israël cherche essentiellement à neutraliser l'approvisionnement en armes du Hamas et, de l'autre côté, les Palestiniens réclament la levée du blocus.

Une partie de la solution se trouve dans le plan de paix franco-égyptien présenté mardi par le président Nicolas Sarkozy. Il porte sur la sécurisation de la frontière entre Gaza et l'Égypte (dont la destruction des tunnels), l'ouverture de points de passage frontaliers et la levée du siège, tout cela devant être mis en oeuvre après la conclusion d'une trêve. Ces objectifs, limités, peuvent être accomplis par le déploiement d'une mission d'observateurs et de spécialistes militaires bien équipés et soutenus en cas de problème par une force de réserve musclée déployée en Égypte.

Même dans ce scénario, rien n'est encore ficelé. Le Hamas sera-t-il d'accord? Israël acceptera-t-il de retirer ses troupes rapidement? Les observateurs et spécialistes seront-ils confinés à la frontière entre Gaza et l'Égypte ou pourront-ils procéder à des inspections-surprises et à des confiscations d'armes sur l'ensemble de Gaza?

À moyen et à long terme, y a-t-il un avenir pour une véritable mission de maintien de la paix à Gaza? Pour être efficace et éviter un bain de sang, la mission de l'ONU doit être acceptée par les habitants du territoire où elle est déployée. Sinon, elle se transforme en force d'occupation. Les Gazaouis ont élu le Hamas: il faudra bien en tenir compte. Israël doit aussi trouver son avantage dans cette mission. C'est donc à partir d'une solution politique et non militaire que le déploiement d'une mission devient possible. Nous en sommes encore très loin.