Il y a une semaine, la Cour suprême du Canada rendait un jugement dont les effets au pays seront majeurs pour les entreprises et industries qui exploitent leurs activités à proximité d'une zone résidentielle.

Dans l'arrêt en question, Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette, un recours collectif a été institué par des citoyens résidant dans le voisinage de la cimenterie à Beauport pour les inconvénients anormaux qu'ils avaient subis pendant plusieurs années. La poussière, les odeurs et le bruit découlant des activités de l'entreprise, qui ont incommodé ces citoyens pendant plusieurs années, ont été qualifiés par la Cour suprême du Canada comme étant des inconvénients anormaux. De ce fait, Ciment du St-Laurent inc. devra verser la somme de 15 millions de dollars à ces citoyens. Notons que le recours collectif a été intenté en 1993, que la cimenterie de Beauport a cessé son exploitation en 1997 et que les conflits qui l'opposaient à ses voisins se sont poursuivis devant les tribunaux jusque devant la Cour suprême en novembre 2008.

 

Avec le jugement rendu par la Cour suprême jeudi dernier, il ne sera plus suffisant pour une entreprise et une industrie de se conformer aux lois et règlements applicables en matière d'environnement, ni à leur certificat d'autorisation. Elles devront examiner les inconvénients «anormaux» qu'elles pourraient causer à leur voisinage et faire preuve d'imagination pour parer à ces inconvénients et assurer une meilleure qualité de vie aux citoyens qui habitent ce voisinage.

Depuis plusieurs années, il y a des entreprises et industries qui ont mis sur pied des comités de citoyens dans le but de connaître les préoccupations et les irritants reliés à leur exploitation et de trouver des solutions. Les relations développées au fil des années avec ces comités de citoyens ont favorisé l'écoute, l'échange, l'ouverture d'esprit de part et d'autre, la mise en oeuvre de mesures d'atténuation des impacts environnementaux tout en assurant l'essor économique du milieu.

Sentiment de vengeance

À voir la réaction de certains lorsque le jugement a été rendu jeudi dernier, certains groupes pourraient être tentés de favoriser un sentiment de vengeance au sein de leur communauté afin d'inciter les voisins à intenter des procédures contre les entreprises et industries de leur secteur.

La prolifération potentielle de recours collectifs n'apporterait rien de favorable au sein de la communauté si les entreprises, une à une, se voyaient contraintes de fermer leurs portes comme Ciment du St-Laurent inc. l'a fait à Beauport.

Dans le but de maintenir cette paix sociale et économique, le Conseil patronal de l'environnement du Québec incite ses membres à amorcer et poursuivre un dialogue fructueux avec les citoyens dans le but de maintenir ses relations de bon voisinage. Il fait de plus appel aux citoyens pour qu'ils participent à ce dialogue avec les entreprises et industries afin de trouver des solutions aux inconvénients qu'ils subissent plutôt que de s'engager dans un climat de confrontation pour plusieurs années. Le Conseil y voit là l'occasion de renouveler le dialogue social et d'innover dans la mise en oeuvre de solutions originales pour permettre la coexistence des citoyens et des industries.

Ce jugement de la Cour suprême du Canada démontre aussi l'importance du rôle préventif que les municipalités doivent assumer dans l'élaboration de leur réglementation de zonage. Dans le but d'assurer une qualité de vie aux citoyens d'un quartier tout en favorisant l'établissement d'entreprises prospères sur leur territoire, les municipalités devront faire preuve de prudence et de discernement dans l'aménagement de leur territoire et éviter les voisinages susceptibles d'être incompatibles en utilisant de manière judicieuse leurs pouvoirs de zonage ou en aménageant des zones tampons, par exemple.

L'arrêt Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette constitue une illustration de ce qu'un mauvais voisinage peut entraîner comme conséquence. Les municipalités ont la responsabilité de jouer un rôle actif pour bien planifier une cohabitation sur un même territoire d'entreprises, d'industries et de citoyens.

L'auteure est présidente du Conseil patronal de l'environne-ment du Québec.