Depuis les dernières semaines, plusieurs centres de tri du Québec sont aux prises avec un problème majeur: l'effondrement de la demande et des prix pour les matières résiduelles telles le verre, le papier, le métal et le plastique. Si la tendance se maintient, nous sommes à quelques jours de voir une partie de ces matières prendre le chemin des lieux d'enfouissement, enterrant du même coup un quart de siècle de sensibilisation à l'importance de la récupération.

Il existe au Québec une quarantaine de centres de tri qui récupèrent près de trois millions de tonnes de matières résiduelles par année, par l'entremise de la collecte sélective ou encore de la collecte institutionnelle commerciale et industrielle. Grâce à ce réseau, les matières résiduelles sont revalorisées par les recycleurs qui leur donnent une seconde vie.

 

Or, depuis peu, la de-mande pour ce type de produits s'est effondrée, entraînant une chute de prix sans précédent. Une tonne de vieux carton qui, au début du mois de septembre, valait environ 140$ en vaut aujourd'hui moins de 25$.

Malgré les surplus de matières appréhendés en raison de cette chute des prix, le Québec demeure paradoxalement un importateur de vieux papiers en provenance de l'Ontario et du nord-est des États-Unis, car une vaste portion de la matière traitée ici est inadéquate pour les besoins de l'industrie papetière québécoise: la présence de contaminants dans la fibre est trop élevée, ce qui rend la matière impropre à la fabrication de produits recyclés de qualité. Obnubilés jadis par la demande exponentielle de la Chine, certains récupérateurs du Québec ont réduit le tri à sa plus simple expression au profit de l'exportation d'une matière mélangée en ballots et expédiée vers l'Asie, où elle est retriée à des coûts de main-d'oeuvre dérisoires.

Des impacts pour le Québec

Les récupérateurs qui ont axé leur stratégie sur l'exportation sont les plus durement frappés, la Chine ayant «fermé le robinet» depuis septembre.

Au fil du temps, cette stratégie d'exportation a privé les papetiers d'ici de leur source locale de matériel. Ces derniers ont été contraints de s'approvisionner à l'extérieur, augmentant non seulement leur coût d'approvisionnement, mais aussi leurs émissions de gaz à effet de serre associées au transport.

La crise appréhendée entraînera probablement de nombreuses pertes d'emplois occupés par des personnes présentant un faible niveau de scolarité et qui, dans plusieurs cas, bénéficient d'un programme d'aide gouvernementale à la réinsertion. Leur reclassement sur le marché du travail représentera une tâche ardue.

Des pistes de solution

Est-il possible de réduire significativement l'importation de la matière en provenance des marchés hors Québec? Assurément. Recyc-Québec est le mieux placé pour réaménager la chaîne d'approvisionnement au meilleur des intérêts de tous les acteurs de l'industrie et ainsi fermer la boucle.

Si, au fil des ans, beaucoup d'efforts ont été déployés pour augmenter le taux de récupération, les démarches pour accroître les débouchés pour la matière récupérée sont demeurées timides. Aussi, il faut tout de go promouvoir et soutenir les produits recyclés avec l'aide d'incitatifs puissants telles des politiques d'achat gouvernementales.

L'industrie de la récupération doit investir pour améliorer la qualité de la fibre. Ainsi, la matière récupérée ici serait davantage recyclée au Québec et, du même coup, les taxes et investissements gouvernementaux bénéficieraient à l'industrie locale plutôt qu'asiatique.

Enfin, il faut assurer une stabilité du marché par des ententes à long terme entre les récupérateurs et l'industrie consommatrice locale. Ce type de partenariat assurerait à long terme le bon fonctionnement de la récupération au Québec.

Aucune société n'a les moyens d'enfouir ses matières premières. Aussi, nous demeurons sûrs que les efforts de concertation entre tous les intervenants du milieu seront garants d'une résolution durable de cette crise.

L'auteur est président et chef de la direction de Cascades.