La crise économique actuelle restera à jamais liée à la folie d'Alan Greenspan. En effet, on la doit essentiellement au Bureau des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine durant la période de l'argent facile et de la déréglementation financière, du milieu des années 90 à aujourd'hui.

Soutenue par des organismes de surveillance qui n'ont pas joué leur rôle, cette politique de l'argent facile a fait gonfler comme jamais les bulles immobilières et de crédit à la consommation aux États-Unis et dans d'autres pays, notamment ceux qui partagent les orientations politiques américaines. La bulle a éclaté et les économies concernées se dirigent droit vers une profonde récession.

 

Le défi pour les décideurs politiques est de rétablir suffisamment de confiance pour que les sociétés puissent à nouveau obtenir des crédits à court terme afin de payer leurs employés et financer leurs stocks. À l'étape suivante, il faudra inciter à la restauration d'un capital bancaire pour que les banques commerciales recommencent à accepter les prêts pour des investissements de long terme.

Or ces démarches, aussi urgentes soient-elles, n'empêcheront pas une récession aux États-Unis ni dans d'autres pays touchés par la crise. Il y a peu de chances pour que les marchés boursiers et immobiliers reprennent prochainement. Les ménages étant plus pauvres qu'avant, ils réduiront nettement leurs dépenses et entraîneront ainsi une récession inévitable à court terme.

Les États-Unis durement touchés

Les États-Unis seront les plus durement touchés, et d'autres pays qui ont récemment connu des booms immobiliers et de consommation (et maintenant de fortes baisses) - notamment le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Australie, le Canada et l'Espagne - subiront aussi les conséquences.

L'Islande, qui a privatisé et libéralisé ses banques il y a quelques années, se trouve face à une faillite nationale car ses banques ne pourront rembourser les créanciers étrangers qui leur ont prêté des sommes importantes. Ce n'est pas une coïncidence: à l'exception de l'Espagne, tous ces pays ont adhéré expressément à la philosophie américaine de «l'économie de marché» et réglementé insuffisamment les systèmes financiers.

Quelles que soient les conséquences dans les économies déréglementées «à l'anglo-saxonne», elles ne pourront conduire à la catastrophe mondiale. Je ne vois aucune raison de sombrer dans la dépression ni même dans une récession mondiale. Certes, les États-Unis traverseront une période de baisse des revenus et d'augmentation abrupte du chômage, ce qui fera baisser le volume de leurs importations. Cela n'empêche pas d'autres parties du monde de poursuivre leur croissance.

Nombre d'économies puissantes, telles celles de la Chine, de l'Allemagne, du Japon et de l'Arabie Saoudite ont des excédents d'exportation très élevés et prêtent au reste du monde (en particulier aux États-Unis) au lieu d'emprunter. Ces pays ont beaucoup de liquidités et ne subissent pas les conséquences de l'éclatement de la bulle immobilière. Bien que les ménages aient souffert dans une certaine mesure de la chute du cours des actions, ils ne peuvent que poursuivre leur croissance, augmentant parallèlement la demande interne pour compenser la baisse des exportations vers les États-Unis.

Les gouvernements de ces pays devraient maintenant réduire les impôts, assouplir les conditions de crédit et les investissements publics dans les infrastructures routières, l'énergie et le logement. Ils ont assez de réserves de change pour éviter le risque d'instabilité financière, avec l'augmentation des dépenses publiques nationales, tant qu'ils agissent avec prudence.

Copyright: Project Syndicate, 2008.

JEFFREY D. SACHS

L'auteur est professeur d'économie et directeur de l'Institut de la Terre à l'Université de Columbia à New York.