Le 16 octobre dernier, le juge Jean-Pierre Bonin, de la Cour du Québec (Chambre criminelle) a entériné les recommandations de sentence de six personnes accusées lors de l'opération menée par la Sureté du Québec en 2006, opération dite «Colisée», qui avait porté un dur coup à la mafia montréalaise. Lors de cette opération policière, qui découlait d'une enquête ayant duré cinq ans, le patriarche de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto, était écroué en même temps que cinq de ses proches collaborateurs: Paolo Renda, Rocco Sollecito, Francesco Del Balso, Francesco Arcadi et Lorenzo Giordano.

Que la mafia montréalaise soit une organisation puissante aux activités diverses - importation et distribution de drogues, blanchiment d'argent, bookmaking, exportation de marijuana, vol de marchandises, prêt usuraire, arnaques par télémarketing, fraude fiscale, etc. -, cela ne fait aucun doute. Ce qui est plus surprenant, voire totalement inadmissible, c'est que l'état actuel de notre droit oblige un juge à accorder des réductions de peine à des criminels aussi notoires et endurcis que le parrain de la mafia montréalaise. Cette pratique, c'est notre conviction au Bloc québécois, est de nature à déconsidérer l'administration de la justice et à contribuer à la perte de confiance de nos concitoyens envers le fonctionnement de l'appareil judiciaire.

On se rappellera qu'en juin 2007, le Bloc québécois avait proposé un certain nombre de mesures pour rendre l'administration de la justice moins complaisante à l'endroit des membres des organisations criminelles. Parmi les mesures les plus importantes, le Bloc québécois proposait:

l'abolition de la libération conditionnelle quasi automatique au seizième de la peine;

assujettir la libération d'office (qui survient après que le détenu ait purgé les deux tiers de sa sentence) aux principes du mérite et au caractère probant de la réhabilitation et non pas en faire un quasi automatisme; (...)

modifier le Code criminel afin que le temps passé en détention avant procès ne compte plus comme du temps double lors de la réduction de la peine, mais comme du temps simple. Cette mesure proposée par le Bloc aurait donné un sens différent au dernier procès de la mafia montréalaise et au temps de détention réelle des six personnes accusées.

Temps passé en détention

Les six membres de la mafia montréalaise ont tous bénéficié des dispositions du Code criminel (articles 719 à 721) qui permettent de réduire le temps passé en détention avant procès comme du temps soustrait en double de la peine qui reste à purger. Cela veut dire en clair pour chacun des mafiosi:

Nicolo Rizzuto, accusé de gangstérisme et de possession de produits de la criminalité, a été condamné en 2008 à une peine de quatre ans. Mais comme il a été arrêté en 2006, il a ainsi bénéficié d'une réduction de peine de quatre ans et il a été libéré dès 2008;

Paolo Renda, accusé de gang-stérisme et de possession de produits de la criminalité, a été condamné à six ans d'emprisonnement. On réduit quatre ans à sa peine. Il lui reste donc deux ans à purger;

Rocco Sollecito a été accusé de gangstérisme, de possession de produits de la criminalité et de complot. Il a été condamné à huit ans d'emprisonnement, mais on soustrait quatre ans pour détention avant procès. Il lui reste donc quatre ans à purger;

Francesco Del Balso, Francesco Arcadi et Lorenzo Giordano, accusés de gang-stérisme, de possession de produits de la criminalité, de complot, etc., ont chacun été condamnés à 15 ans d'emprisonnement. On soustrait quatre ans, il leur reste 11 ans à purger.

Si la proposition du Bloc québécois devenait une mesure législative, le chef de la mafia montréalaise serait toujours derrière les barreaux pour la prochaine année et chacun de ses acolytes verrait son temps de détention réelle prolongé de deux ans.

Au lieu de s'entêter à imposer des peines minimales obligatoires dont l'efficacité est remise en cause, de réformer le système de justice pénale pour les adolescents qui produit de bons résultats, ne serait-il pas plus urgent et souhaitable d'éliminer la réduction du «temps double», mesure qui profite à n'en pas douter aux criminels les plus notoires?

L'auteur est député de Hochelaga et porte-parole du Bloc québécois en matière de justice.