Perplexes devant la chute des marchés financiers, du rejet du plan Paulson, ainsi que de la chute de si nombreuses banques, les consommateurs se demandent ce qui risque désormais de se passer dans leur quotidien. Contrairement à ce qu'ont pu dire plusieurs analystes qui suggèrent que ce n'est qu'une crise financière et qu'elle aura peu d'impact sur l'économie réelle, il est important de réaliser à quel point les consommateurs, tant américains que canadiens, se situent à la base même de cette crise. Sans l'avoir cherché mais sans avoir tenté de l'éviter, les voici désormais plongés dans l'oeil du cyclone.

Pour bien nous situer, il faut retourner en 2001. Occultés en grande partie par l'attentat du 11 septembre, les États-Unis entraient, à cette période, en récession. C'est en bonne partie la raison pour laquelle, dans son adresse à la nation ce soir-là, le président Bush avait exhorté ses concitoyens à ne pas freiner leurs habitudes de consommation. Si une telle supplique pouvait sembler stupéfiante, elle pouvait néanmoins s'expliquer.

Depuis déjà plusieurs années, le moteur même de la croissance économique américaine n'était déjà plus la production, mais bien la consommation. En d'autres termes, déjà en 2001 et encore plus depuis, la croissance économique des Américains (et dans une moindre mesure des Canadiens) carburait à la consommation. De 59% du produit intérieur brut qu'elle représentait au début des années 80, la consommation des ménages américains est passée à 71% en 2007 (62% au Canada).

Du coup, voilà que les consommateurs venaient d'être promus les plus importants moteurs du développement économique. En soi, il n'y a rien de répréhensible si cette croissance se fait selon leurs moyens. Mais voilà, cette croissance de l'économie s'est produite en incitant non seulement les consommateurs à vider leurs bas de laine (le taux d'épargne est désormais à 2,6% aux États-Unis, et à 2,8% au Canada), mais aussi en les poussant à se surendetter.

Endettement des ménages

Ainsi, au Canada, l'endettement des ménages équivaut désormais à près de 150% de leurs revenus disponibles annuels. Il n'y a pas de quoi s'énerver, nous disaient de trop nombreux spécialistes, cet endettement étant en grande partie assuré par la valeur des maisons. On voit bien aujourd'hui que si la valeur des maisons peut monter, il arrive aussi qu'elle puisse baisser.

Néanmoins, si la dette des ménages, soutenue par une maison, représente un risque relativement moindre, la dette engendrée par la consommation courante (voyagez maintenant payez plus tard, trois ans sans paiements, etc.) représente un risque beaucoup plus élevé. Or, cette dette représente désormais près de 30% de la dette totale des ménages, qu'ils soient Canadiens ou Américains. Dès lors, la question se pose: au moment où se resserre le crédit et au moment où l'abus de crédit nous plonge dans l'une des plus grandes crises financières des 100 dernières années, pourrons-nous encore longtemps demander aux consommateurs de soutenir la croissance économique par leurs achats? D'ailleurs, le peuvent-ils encore?

Toute cette chaîne d'événements ne sera pas neutre pour les détaillants. Ainsi, au cours des 10 dernières années, les ventes des détaillants canadiens ont crû plus rapidement que la croissance démographique et économique des ménages au Canada. Tant en cette matière que pour bien d'autres, rien ne se crée et rien ne se perd, cette croissance s'est faite, comme on l'a vu, au dépend de l'épargne et au risque d'un surendettement des ménages.

Que va-t-il se passer dans les années à venir? Il y a fort à parier que les ménages canadiens, tout comme les ménages américains, devront réapprendre (ou simplement apprendre dans plusieurs cas) les vertus de l'épargne ainsi que celle de la gestion du budget familial. À moins d'une augmentation importante de leurs revenus, ces ménages devront diminuer leur consommation s'ils veulent réduire leur niveau d'endettement. Bien entendu, cette diminution aura des effets néfastes sur les ventes au détail. (...)

L'auteur est professeur titulaire à HEC Montréal.