Dans la crise sur le plafonnement de la dette, le Parti républicain contrôle le débat. Mais il doit rapidement en fixer les limites afin de ne pas entraîner le pays dans le chaos économique. Ultimement, le positionnement républicain fera des laissés-pour-compte. Reste à savoir si ce sera le Tea Party ou l'économie.

Le républicain John Boehner, président de la Chambre des représentants, indiquait il y a plusieurs mois déjà, qu'il accepterait de relever le plafond de la dette si cette mesure était accompagnée d'un ambitieux plan de réduction de la dette.

Le président Obama n'a eu d'autres choix que d'agréer à sa demande, car la Chambre des représentants, à majorité républicaine, doit donner son accord à l'entente qui sera convenue. Obama, fort de l'appui d'une majorité d'Américains, y est allé d'une approche dite «équilibrée», axée à la fois sur une réduction des dépenses et une augmentation des revenus. La proposition contenait trois dollars de compression des dépenses pour chaque dollar d'augmentation des revenus, pour une réduction totale de la dette de 4000 milliards $ sur 10 ans.

Si cette proposition avait été mise de l'avant, elle aurait été une véritable couleuvre pour les démocrates, car elle les aurait amenés à devoir accepter d'énormes compressions budgétaires dans des programmes qui constituent le coeur du filet social américain. C'est d'ailleurs pourquoi John Boehner, de prime abord, s'y était montré ouvert.

Boehner s'est toutefois buté le 9 juillet dernier au refus des membres de son parti, Éric Cantor en tête, le numéro deux à la Chambre des représentants. Le parti a rappelé à Boehner que la très grande majorité des élus républicains avaient fait le serment qu'ils n'allaient sous aucun prétexte augmenter les impôts ou les taxes durant leur mandat. Et ce n'est pas ce débat qui allait les faire briser cette promesse.  

On peut tout de même s'attendre à ce qu'Obama s'acharne, par tous les moyens possibles, à amener les républicains à opter pour une stratégie comportant des hausses de revenus. C'est ce qu'il a tenté à nouveau lors de son adresse à la nation le 25 juillet au soir. Mais il serait étonnant que Boehner accepte de faire une volte-face sur cette question, considérant la réponse qu'il a déjà eue de son caucus.

Si l'entente concernant la réduction de la dette ne peut reposer que sur une diminution des dépenses, elle devra être d'une ampleur réduite. Plutôt que de parler de 4000 milliards $ de réduction de la dette, on risque de devoir se limiter à 2000 milliards $ ou même peut-être seulement 1000 milliards $ sur 10 ans.

Or, si la réduction de la dette est minime, cela voudra dire que les États-Unis replongeront dans le même psychodrame dès le premier semestre de 2012, à l'atteinte du nouveau plafond de la dette. Cela ne serait pas sans déplaire aux Républicains qui en profiteraient pour accuser Obama, en pleine campagne présidentielle, d'enliser le pays dans une incontrôlable spirale d'endettement.

Les agences de notation de crédit pourraient toutefois décider de sanctionner les États-Unis. Standard & Poor's indiquait d'ailleurs la semaine dernière qu'elle pourrait revoir à la baisse la cote de crédit AAA des États-Unis, même advenant un accord pour rehausser le plafond de la dette. Si le plan de réduction de la dette n'est pas d'une ampleur convaincante, l'agence pourrait fort bien aller de l'avant avec une décote.

L'impasse actuelle existe du fait de l'entrée en scène du Tea Party, à la suite des élections de mi-mandat de novembre 2010. Ses membres entendent sauver le pays en mettant de l'ordre dans ses finances publiques. Ils en ont assez de voir le problème d'endettement s'aggraver d'année en année. Ils considèrent que s'ils n'agissent pas maintenant, le pays court à sa perte et seule une montagne de dettes pourra être transmise aux générations futures.

Aucun compromis n'est à espérer de la part du Tea Party puisque c'est exactement ce qu'ils reprochent à l'élite républicaine : opter pour des compromis qui finissent par ne jamais régler les problèmes. C'est également pour cette raison qu'ils exigent que les réductions de dépenses soient opérées dès maintenant et non pas étalées sur 10 ans.

Plusieurs au sein du Tea Party ne croient d'ailleurs pas aux scénarios catastrophes qui émanent de toutes parts s'il advenait qu'il n'y ait pas relèvement du plafond de la dette. D'autres rappellent qu'ils n'ont que faire de leur possibilité de réélection. Ce ne sont pas politiciens de carrière. Ce sont des élus en mission commandée qui agiront volontiers tels des kamikazes sur les questions de la dette. Comment négocie-t-on avec des kamikazes?

Une question demeure : combien d'élus associés au Tea Party se montreront jusqu'au-boutistes, tiendront tête à John Boehner jusqu'à la toute fin et préfèreront le chaos économique à un compromis politique? C'est ce que l'on découvrira d'ici mardi prochain.

Il serait étonnant de voir l'impasse durer au point d'entraîner le pays dans un défaut de paiement. Les enjeux sont trop considérables et John Boehner en est conscient. Il serait toutefois aussi étonnant que les leaders au Congrès et la Maison-Blanche parviennent à s'entendre sur un plan majeur de réduction de la dette d'ici mardi. Et une telle perspective comporte sa part de dangers, pour les États-Unis tout comme pour l'économie, nous y compris.