Que le grand cric nous croque si on a rêvé. On nous apprend que de dangereux malfaiteurs ont été coincés: le Québec serait en proie à un marché noir du sirop d'érable. Les mafieux de l'or blond achèteraient du sirop directement des producteurs, sans passer par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Voilà pour la une!

Pis encore, le sirop de la honte se retrouverait sur les tablettes de plusieurs grandes chaînes de supermarchés, et ce, un peu partout à travers le monde. De quoi faire monter la glycémie de tous les ayatollahs de la réglementation québécoise. Comme si, au royaume du sirop d'érable, les vrais malfaiteurs n'étaient pas ceux qui font augmenter artificiellement le prix d'un produit pour les millions de consommateurs.

On a souvent l'impression que l'interventionnisme public se résume à nous taxer et à dépenser nos impôts. Si au moins ça ne se limitait qu'à ça! On oublie trop souvent ces réglementations qui concèdent un pouvoir monopolistique à un office de mise en marché, une fédération de producteurs par exemple. Il s'agit ni plus ni moins de cartels légalisés qui contrôlent la production et la tarification d'un produit. Leur mission? Opérer un transfert de richesse des poches du consommateur vers quelques producteurs privilégiés.

Au Québec, scalper le consommateur est devenu une activité vertueuse lorsqu'on a l'assentiment du législateur et l'appui d'un ministère. Il suffit de se parer d'un concept creux, comme celui du développement durable, pour mettre sous tutelle une industrie entière. Cela permet, assurément, d'exercer un contrôle sur les prix, et encore, de se lancer à la chasse d'un entrepreneur offrant le produit réglementé à un prix moindre que celui décrété par le fondé de pouvoir étatique.

Lorsque les amendes et les poursuites guettent l'acériculteur qui produit une trop grande quantité de sirop d'érable ou qui le vend sans en parler à sa fédération, on est loin de parler libre marché. Si des acériculteurs se sentent obligés d'intenter des poursuites judiciaires pour se libérer de ceux qui s'activent à les contrôler, on parle alors de harcèlement bureaucratique.

Aujourd'hui, les consommateurs doivent payer des prix gonflés pour de nombreux produits. Plusieurs producteurs ne peuvent plus exercer leur droit de propriété, ni les pouvoirs de décision qui l'accompagnent. Trop souvent, les grossistes et les revendeurs doivent se faire accréditer et montrer patte blanche aux planificateurs de marché.

On conçoit que l'industrie réglementée puisse servir les producteurs organisés et les bruyants syndicalistes. On comprend aussi que l'octroi de tels privilèges puisse séduire les politiciens en quête de votes et d'appuis corporatifs. Il en est toujours ainsi lorsque ceux-ci peuvent concentrer les bénéfices dans les mains de cartels influents et diffuser les coûts de leurs décisions aux consommateurs peu organisés.

Au bout du compte, toutes ces réglementations sectorielles s'inscrivent dans la même logique: elles font payer le consommateur. Eh oui, rien de plus facile que «d'entailler» le consommateur!