Médecins du Monde Canada souhaite profiter de la journée mondiale du SIDA, mercredi prochain, pour rappeler que malgré de grandes avancées réalisées au niveau de la prévention et du traitement, les enjeux de la lutte au VIH-SIDA, demeurent de taille. En 2009, on estimait que 33,3 millions d'adultes et d'enfants vivaient avec le VIH et 1,8 million de décès y étaient attribuables (ONUSIDA).

Au Québec, malgré les efforts soutenus des organismes communautaires et des praticiens du VIH pour offrir de services préventifs et diagnostics toujours plus accessibles et adaptés, force est de constater que le VIH continue de se transmettre et que bon nombre d'individus ignorent leur statut. L'enquête Argus effectuée chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) de Montréal a démontré que près d'un participant séropositif sur cinq n'était pas au courant qu'il était infecté. Toutefois, le VIH n'atteint pas uniquement les groupes considérés à risque. En effet, l'Institut national de santé publique du Québec révélait que la transmission hétérosexuelle était responsable de 14,7% des nouvelles infections en 2009.

Pourtant, on a assisté au cours des dernières années à une banalisation des conséquences de l'infection et à une diminution de la diffusion des connaissances sur la réalité du VIH et des autres infections transmises par le sexe ou par le sang (ITSS), dont plusieurs sont d'ailleurs en recrudescence. Parmi les moyens de pallier à ces lacunes, Médecins du Monde Canada croit que l'éducation sexuelle en milieu scolaire devrait être remise de l'avant, comme un moyen de prévention du VIH et des ITSS et de promotion d'une sexualité saine et responsable.

Bien que la prise régulière et à long terme des antirétroviraux demeure un défi de taille pour les personnes atteintes du VIH, les traitements sont plus simples et comportent moins d'effets secondaires. Néanmoins, la stigmatisation qui entoure le VIH reste, quant à elle, bien réelle. En effet, encore aujourd'hui, en 2010, plusieurs personnes choisissent de ne pas dévoiler leur statut sérologique, sans mentionner toutes celles qui choisiront de ne pas se faire tester par crainte des multiples conséquences liées à la séropositivité.

Les avancées de la science font qu'au Canada, on peut désormais vieillir avec le VIH. Pourtant peu de ressources adaptées sont disponibles pour accueillir les personnes vivant avec les VIH atteintes de troubles majeurs de mémoire ou nécessitant simplement un hébergement de longue durée. Les quelques ressources qui relèvent ce défi voient leur financement sans cesse remis en question, puisque l'engouement entourant le financement des projets en VIH-SIDA est maintenant chose du passé.

L'exemple éloquent de cette situation est le changement d'orientation que vient d'effectuer Centraide qui finançait depuis plusieurs années des organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé comme la Maison d'Hérelle de Montréal, spécialisée dans l'hébergement des personnes atteintes du VIH. Après 22 ans de partenariat, Centraide a décidé que le mandat de la maison d'Hérelle n'était plus dans ses priorités, laissant brusquement tomber cet organisme qui se retrouve ainsi amputé de son financement et laissant par le fait même tomber toutes les personnes vivant avec le VIH bénéficiant de la grande expertise de la Maison d'Hérelle.

Dans les pays à revenu faible et moyen, une toute autre réalité prévaut puisque 97% des nouveaux cas de VIH s'y retrouvent. Malgré cet état de fait, 5,5 millions d'individus nécessitant un traitement antirétroviral en sont toujours privés et pour chaque deux personnes qui commenceront le traitement chaque année, cinq seront nouvellement infectées.

Bien que de réelles avancées aient eu lieu dans l'accès aux antirétroviraux pour ces pays en développement (PED), les médicaments qui y sont dispensés ne sont plus utilisés depuis maintes années dans les pays «riches» en raison de leur toxicité et de leurs multiples effets secondaires. De fait, les antirétroviraux actuellement utilisés dans une grande majorité de PED entrainent des effets aussi graves que l'anémie, la lipodystrophie ou de graves neuropathies. L'accès à des médicaments génériques permettrait à ces PED d'avoir accès à des antirétroviraux de haute qualité et de traiter un plus grand nombre d'individus à moindre coût, mais les droits de propriété intellectuelle des brevets des compagnies pharmaceutiques ont préséance sur le droit à la santé des individus. C'est donc dire que d'excellents antirétroviraux sont actuellement disponibles et pourraient révolutionner le traitement du VIH dans les PED, mais que leur coût prohibitif en réserve l'utilisation aux pays dits développés.

Le coût des antirétroviraux dans les PED est d'autant plus important que bon nombre d'individus ayant développé une résistance à une première ligne de traitement antirétroviral peu coûteuse n'auront pas accès à une deuxième ligne de traitement beaucoup plus dispendieuse.

Le phénomène de la résistance aux antirétroviraux est une nouvelle réalité à laquelle auront à faire face les organisations oeuvrant auprès des personnes atteintes du VIH et ce, dans un contexte inquiétant de désintéressement des bailleurs de fonds de la problématique du VIH.

La «mode» des grands investissements en VIH permettant de traiter des milliers de patients est maintenant révolue et plusieurs ONG peinent à maintenir leurs programmes de traitement du VIH en place. Pourtant, une fois débutée, la thérapie antirétrovirale doit être maintenue à vie. Médecins du Monde Canada ne fait pas exception à cette triste réalité. Malgré des efforts soutenus pour maintenir son programme de thérapie antirétrovirale gratuite pour plus de 825 personnes vivant dans les bidonvilles en Haïti, Médecins du Monde doit, pour la première fois, songer à fermer une partie du projet, faute de financement adéquat.

La journée du 1er décembre constitue donc une occasion privilégiée pour rappeler que la lutte au VIH-SIDA est loin d'être terminée, qu'ici et ailleurs plusieurs défis restent à relever, mais aussi pour féliciter tous les individus, les organismes communautaires, les ONG et les gouvernements qui ont le courage de continuer à se battre.