Chers économistes, c'est primordial d'éliminer le déficit. Mais vos mesures ciblent principalement la classe moyenne, les francophones et les femmes, en proportion du revenu. J'aimerais attirer votre attention sur certains dangers.

Vous demandez un effort plus grand aux francophones qu'aux anglophones. Votre iniquité envers les francophones m'inquiète. Entre autres, creuser l'écart francophones/anglophones fera en sorte que progressivement, plus nos entrepreneurs francophones vendront leurs entreprises, plus ce sont les anglophones qui auront les moyens de les acheter.

Soyons prudents pour ne pas recréer l'écart économique qui prévalait entre francophones et anglophones avant la Révolution tranquille. Avec l'idée populaire, mais ultra-régressive, de hausser les taxes et baisser les impôts, même le PQ appuie une vision qui soutire de l'argent des poches des francophones au profit des anglophones... C'est surréaliste. Je n'ai rien contre les anglophones, mais appauvrir les francophones pour enrichir les anglophones, non merci.

Aussi, tous les allégements fiscaux que vous appuyez favorisent les hommes, et tous vos alourdissements fiscaux pénalisent surtout les femmes. Avez-vous des preuves prouvant que les États ayant les plus grosses dominations économiques des hommes sur les femmes sont les plus riches? Car derrière toute théorie économique, il y a des êtres humains. Vous manquez de pragmatisme.

Par conscience sociale, vous proposez d'épargner les pauvres des diverses hausses de taxes et tarifs. Mais vous demandez un fardeau beaucoup plus lourd à la classe moyenne qu'aux hauts revenus. Nous de la classe moyenne, pourquoi sommes-nous exclus de votre définition de la justice sociale? Votre vision fiscale correspond à une fiscalité progressive entre les pauvres et la classe moyenne, mais régressive entre moyens et hauts revenus. Est-ce une pensée économique rationnelle? Une progressivité de A à Z dans l'échelle de revenus ne serait-elle pas plus sensée?

Selon mes calculs, vos propositions représentent un recul du pouvoir d'achat de la classe moyenne de 5%, comparé à presque rien pour les pauvres et les riches... Car les nantis reçoivent plusieurs centaines de dollars d'argent neuf chaque année par divers allégements fiscaux, telle la bonification de certains abris fiscaux, qui compenseront pour les sommes qu'ils auraient à payer.

Vous affirmez que votre vision stimule l'épargne et l'investissement. Connaissez-vous beaucoup de citoyens qui pourront épargner davantage avec 5% de moins? Les entreprises réalisent la majorité de leurs profits via la classe moyenne. Avec moins d'argent dans la poche de leurs clients, leurs chiffres d'affaires en souffriraient. Comment pourraient-elles investir davantage? Quel serait l'impact sur les revenus de l'État?

Quel impact aura votre vision sur l'exode? On dit souvent que «Faire payer les riches» les fait fuir, mais on omet de dire que la très grande majorité des diplômés qui nous quittent font partie de la classe moyenne, comme les infirmières. Les hauts salariés sont souvent en fin de carrière et, contrairement à la classe moyenne, moins susceptibles de trouver un emploi plus payant ailleurs.

Puisqu'il est toujours possible de trouver un gouvernement quelque part au monde qui a obtenu du succès avec n'importe quelle théorie économique, une approche rigoureuse de votre part serait de comparer les résultats économiques d'un grand échantillonnage d'États ayant adoptés votre approche régressive avec ceux ayant une fiscalité progressive. Votre vision est-elle vraiment celle qui a le plus permis d'éliminer des déficits et créer de la richesse ? Si vous avez raison, les résultats seront sans équivoque.

Vous énumérez dans vos fascicules présentés au gouvernement quelques «preuves» de pays ayant priorisé davantage les taxes que les impôts. Mais la moitié de vos propres exemples sont des États plus endettés et plus pauvres que le Québec... Bref, votre affirmation disant que taxer plutôt qu'imposer est moins dommageable, demeure non prouvée scientifiquement.

De mon côté, je propose de commencer par réduire ces coûteux et inefficaces «programmes sociaux pour l'élite» que sont les abris fiscaux. Notamment, je réduirais la limite de cotisation aux REER. À peine un tiers des contribuables ont les moyens d'y contribuer annuellement. Puisqu'ils doivent payer pour financer ce programme, les REER nuisent donc à la retraite des deux tiers des Québécois.

Les REEE et les CELI sont dans le même moule. Seules les familles de la classe moyenne ont été touchées par les hausses récentes des frais de scolarité. Car pour les étudiants pauvres, les prêts et bourses ont été bonifiés, et pour les familles aisées, nous avons créé le REEE.

L'aide gouvernementale aux études supérieures favorise maintenant les enfants riches, suivis des pauvres, et seuls les étudiants de classe moyenne doivent payer davantage... Alors que l'écart de diplômation est significatif entre francophones et anglophones, les REEE aggraveront la situation.

J'éliminerais l'exonération partielle des gains en capitaux en bourse. Qu'il se transige cette année pour 1, 10 ou 100 milliards de dollars d'actions de la majorité des entreprises, ça influencera peu leurs investissements. C'est la fluctuation du chiffre d'affaires qui a le plus d'influence à ce niveau.

Ce ne sont ni les centristes, dont je suis, ni la gauche, qui sont responsables de la récession, mais les financiers et les républicains américains. Ces gens partagent votre vision...